Fedrik Reinfeldt se serait bien passé d'une telle situation après la large victoire du oui en Irlande (67,13 %, contre 38,87 % pour le non), le président en exercice de l'Union européenne (UE) a aussitôt appelé à "accélérer" la mise en œuvre du traité de Lisbonne. Mais, en raison de la résistance du chef de l'Etat tchèque, Vaclav Klaus, qui fait tout pour retarder l'entrée en vigueur du traité, le premier ministre suédois va devoir inviter chefs d'Etat et de gouvernement à la patience : il est désormais clair, à ses yeux, que le traité n'entrera pas en vigueur le 1ernovembre. M. Reinfeldt a prévu de rencontrer le premier ministre tchèque, Jan Fischer, et José Manuel Barroso, le président de la Commission, mercredi 7 octobre à Bruxelles, pour tenter de préciser un calendrier désormais très incertain : la Cour constitutionnelle tchèque, saisie du traité par des sénateurs proches de M. Klaus, devrait mettre entre trois et six mois pour se prononcer sur la conformité du traité à la constitution. M. Reinfeldt espérait orchestrer, lors d'un sommet convoqué les 29 et 30 octobre à Bruxelles, la nomination par les Vingt-Sept des deux principales figures instituées par le nouveau traité - le président stable du Conseil et le haut représentant pour les affaires étrangères. Cet objectif est désormais difficile à tenir, ce qui risque de surcroît de compliquer le jeu des prétendants, alors qu'aucune personnalité ne s'impose. Contesté à gauche, poussé par Londres, le nom de Tony Blair continue de circuler pour le premier poste. Mais certains gouvernements sont à la recherche d'une alternative moins en vue, comme les premiers ministres néerlandais Jan Peter Balkenende ou belge Herman Van Rompuy. Au sujet du haut représentant (poste qui doit être renforcé avec le prochain traité), M. Reinfeldt entend demander à son actuel titulaire, l'Espagnol Javier Solana, de prolonger son mandat au-delà de son terme, le 17 octobre. Dans l'espoir d'un déblocage rapide à Prague, les dirigeants européens entendent avancer sur les trois principaux sujets de fond à l'ordre du jour : la mise en place du service diplomatique commun, à l'usage du haut représentant, le partage des rôles entre les présidences stable et tournante - assurée par les Etats membres -, et les questions budgétaires. Chacun de ces dossiers est susceptible de susciter de longues passes d'armes entre les institutions bruxelloises, jalouses de leurs prérogatives, et les Etats membres. Le nouveau traité élargit les pouvoirs du Parlement européen dans le domaine budgétaire : les eurodéputés vont désormais partager l'autorité budgétaire, à égalité avec le Conseil. "C'est le Parlement qui aura désormais le dernier mot", veut croire Alain Lamassoure, président de la commission, plus que jamais stratégique, du budget au sein de l'Hémicycle. Un point de vue qui n'est pas du goût du Conseil, et de toutes les capitales. La mise en place du service diplomatique commun, sous l'autorité d'un haut représentant vice-président de la Commission, ne sera pas plus simple. Interrompues à plusieurs reprises, au fil des déboires du futur traité, les discussions s'avèrent rugueuses. Les Etats membres sont partagés : certains, dont la France, espèrent un service fort, d'autres, comme les Britanniques, voudraient le réduire au strict minimum. Les diplomaties nationales espèrent être associées de près au nouvel outil, au grand dam des hauts fonctionnaires de la Commission, voire du Conseil. Le champ de compétence du service est très débattu : l'exécutif européen entend préserver la haute main sur certaines de ses compétences, comme le commerce, la politique de voisinage, ou l'élargissement, mais il pourrait céder l'aide au développement. Les prérogatives du président stable du Conseil, face à la présidence tournante, constituent un autre casse-tête diplomatique.