C'est la première fois que le président tunisien obtient un score au-dessous de la barre des 90% depuis son accession au pouvoir en 1987. Le rideau est tombé avant-hier avec la fin des élections présidentielle et législatives en Tunisie qui ont consacré la victoire du parti au pouvoir, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) et la réélection du président sortant avec une majorité écrasante. Le parti de Ben Ali a, en effet, conservé sa très large majorité avec 75% des suffrages aux élections législatives qui se tenaient en même temps que la présidentielle. Il a raflé 161 sièges sur les 214 du Parlement laissant à l'opposition se disputer les 53 restants. Pour sa part, Zine el-Abidine Ben Ali, âgé de 73 ans, a été réélu pour un cinquième mandat consécutif avec 89,62% des suffrages, selon les chiffres annoncés officiellement hier, par le ministre de l'Intérieur et du Développement local, Rafik Belhaj Kacem. Ce score de 89,62% qui marque un recul de 4% par rapport aux 94,4% récoltés lors du précédent scrutin en 2004, a été différemment interprété par les observateurs. D'abord, c'est la première fois que le président tunisien obtient un score au-dessous de la barre des 90% depuis son accession au pouvoir en 1987. Durant les quatre précédentes présidentielles, le chef de l'Etat avait obtenu plus de 99% des voix à trois reprises, et plus de 94% en 2004. Pour les militants du Rassemblement constitutionnel démocratique qui attendaient un véritable raz-de-marée dans ce scrutin qui leur a été largement acquis, il s'agit presque d'un revers. «L'habitude à la saveur des 90%, enivre et c'est pour cela que psychologiquement nous nous sentons quelque peu frustrés, mais il reste que nous avons gagné et c'est l'essentiel», confie un militant du RCD. La deuxième lecture à faire de cette présidentielle est le score de l'opposition. Les trois concurrents de Ben Ali n'ont pu récolter que 10% des voix. Ce qui est tout à fait «normal» pour les observateurs qui ne se faisaient pas d'illusions. En revanche, la surprise est venue du candidat du Parti pour l'unité populaire (PUP), Mohammed Bouchiha, dont on dit au passage qu'il est l'oncle de la première Dame de Tunisie, Mme Leïla Ben Ali qui laissa sur le carreau le secrétaire général du Mouvement Ettajdid, Ahmed Ibrahim. M.Bouchiha a obtenu 5% des voix, ce qui est en soi un grand exploit. Jamais depuis 1987, l'opposition tunisienne n'a pu obtenir un pareil score qui, toutes proportions gardées, est une «victoire» pour ce candidat au discours pro- Ben Ali. Lors de son dernier meeting de campagne électorale où il a rassemblé environ 500 personnes, il a clairement exprimé son soutien au président sortant pour ses réalisations. «Notre participation à ces élections ne nous empêche pas de saluer les acquis du président Ben Ali», a-t-il déclaré lors de ce meeting. Les observateurs se sont complètement floués puisqu'ils qualifiaient Ahmed Ibrahim de candidat sérieux dont le discours tranche avec l'attitude conciliante des deux autres prétendants à la magistrature suprême du pays. Enfin, pour les médias étrangers, le score de Ben Ali est triomphal et ces mêmes médias restent sceptiques quant au processus de démocratisation en Tunisie malgré la déclaration de Ben Ali selon lequel «l'étape à venir verra l'Etat soutenir davantage les partis politiques, la presse et les médias en général». En réplique, le ministre de l'Intérieur, Rafik Belhaj Kacem, n'a pas été tendre hier lors de l'annonce des résultats officiels en présence de la presse tunisienne et des médias étrangers au siège de son ministère. «Comme tous les pays du monde, quand notre pays est attaqué, on réplique et je dirai que ceux qui nous critiquent sont minoritaires, en revanche ceux qui disent du bien de la Tunisie sont nombreux», a-t-il déclaré. Pour M.Belhaj Kacem, la Tunisie veut construire sa propre démocratie et non une démocratie importée d'ailleurs, «J'entends par notre propre démocratie celle d'un pays où la loi est respectée et les règles du jeu sont respectées», a précisé le ministre avant de clôturer en soulignant que «la caravane tunisienne passe quelles que soient les critiques de ceux qui refusent de voir les côtés positifs de notre pays».