Dans un discours prononcé lundi soir à l'occasion de la célébration du 31e anniversaire de la Marche verte, qui avait concrétisé l'occupation du Sahara occidental par le Maroc, le souverain alaouite fait brandir le spectre de l'enlisement du Maghreb dans le terrorisme si le Sahara occidental devient indépendant. Décidé à aller jusqu'au bout de son entreprise colonialiste, le roi du Maroc change de stratégie en mettant en avant cette fois-ci des arguments n'ayant rien à voir avec le droit international, mais relevant plutôt de la dissuasion pour que le Sahara occidental n'accède pas à l'indépendance. Cette possibilité constitue, selon lui, une véritable menace pour la région du Maghreb. Argumentant cette démarche par son attachement à “l'unité du Maghreb arabe”, le monarque marocain s'érigera en défenseur de la région et clamera sa “volonté d'épargner à cet espace, ainsi qu'à la région du Sahel et aux rives méridionale et septentrionale de la Méditerranée, les risques calamiteux de “balkanisation” et d'instabilité qu'engendrerait l'implantation d'une entité factice”. Dans la perspective de donner davantage de consistance à son raisonnement, il affirmera sans ambages : “Cette redoutable hypothèse transformerait la région en un marécage glauque servant de repaires aux bandes de terroristes et de malfrats faisant commerce d'êtres humains et de trafic d'armes. Ce sont ces périls que le Maroc s'efforce de conjurer en proposant l'autonomie dans le cadre du grand dessein démocratique qui est le sien.” Reste à savoir sur quels éléments se base-t-il pour faire de telles projections. Partant de là, il cherchera à justifier sa proposition d'autonomie en indiquant : “C'est sur ces prémisses que s'est fondée notre initiative d'octroyer à nos provinces du Sud une autonomie élargie dans le cadre de la souveraineté du Royaume, de son unité nationale et de son intégrité territoriale. De fait, nous nous trouvons déjà à une étape avancée dans le processus de concertation engagé aux niveaux national et local.” Mohammed VI déclarera s'attendre à ce qu'un “un projet sur sa conception de l'autonomie” lui soit soumis dans les semaines à venir par le président et les membres du Conseil royal consultatif pour les affaires sahariennes (Corcas). Il s'agit là d'une confirmation tacite des informations laissant entendre que la proposition d'autonomie n'est en fait qu'une coquille vide, depuis le temps où le Makhzen parle de cette hypothèse et de sa préparation. Le souverain chérifien ne manquera cependant pas de se contredire en disant qu'il s'engageait à “aider à trouver une solution politique consensuelle, recueillant l'adhésion sérieuse de toutes les parties concernées effectivement par le conflit”, conformément aux résolutions des Nations unies, alors qu'il veut coûte que coûte imposer au monde son approche basée uniquement sur l'autonomie du Sahara occidental dans le cadre de la souveraineté marocaine. Mohammed VI se prévaut même du soutien “des puissances influentes et agissantes au sein de la communauté internationale, et par l'appui d'un nombre croissant de pays frères et amis”, alors que les résolutions onusiennes en faveur de l'application du droit du peuple sahraoui à l'autodétermination sont votées à l'unanimité. Enfin, il insistera sur le fait que la concrétisation du projet d'autonomie “requiert une mobilisation accrue et davantage de ténacité pour contrecarrer les manœuvres et les complots des adversaires de notre intégrité territoriale”. Il est clair qu'il fait allusion à l'Algérie, qu'il s'est cependant gardé de citer nommément tout au long de son discours. K. ABDELKAMEL