Le Parlement algérien a délégué, sciemment ou contraint, son pouvoir législatif au pouvoir exécutif. «Sa quête d'un modèle semble le rapprocher des Parlements occidentaux. Mais sur le terrain, le constituant algérien a su faire une sorte de réadaptation-déformation, faisant de l'expérience algérienne une spécificité. Quel pouvoir législatif pour le Parlement algérien lorsque, selon la loi fondamentale du pays, il partage et parfois il délègue l'acte de légiférer au pouvoir exécutif? Quant à la fonction du contrôle de l'Exécutif, elle s'avère vidée de sa substance, sachant que tout contrôle incombe une responsabilité.» Le Premier ministre, qualifié de bouc émissaire par l'auteure de l'ouvrage, n'a pas de fonction gouvernementale. Il est là pour mettre en action le programme du premier magistrat du pays. En apparence, la Constitution algérienne semble emprunter aux démocraties libérales certains de leurs principes et mécanismes. Mais ce n'est qu'apparence seulement, car à y regarder de plus près, ils n'en ont que le nom. Mme Benabou - Kirane Fatiha, auteure du livre Droit parlementaire algérien édité par l'Office des publications universitaires (OPU), commence son oeuvre, constituée de deux tomes, par cette conclusion. Le choix est soigneusement et sciemment entrepris. Cela explique d'ailleurs les raisons des questionnements posés dans l'introduction. Sans cette introduction, le lecteur pourrait se perdre et penser que l'auteure se contredit. Cette enseignante à la faculté de droit d'Alger, et auteure d'une thèse de doctorat d'Etat sur «les rapports président de la République-Assemblée populaire nationale dans la Constitution de 1996», se demande si l'existence formelle d'un Parlement donne nécessairement lieu au droit parlementaire? Et si au préalable, existe-t-il, un Parlement algérien pour parler de droit parlementaire? Autre question qui taraude l'auteure même si elle n'est pas posée d'une manière explicite dans le livre: le Parlement algérien dans sa composition et ses fonctions s'inspire de quelle école politique? Le jugement tombe très rapidement. Pour Mme Benabou, qui connaît parfaitement les rouages du Parlement, l'expérience parlementaire algérienne est typique, unique en son genre. Elle puise ses sources au plan de la forme, dans l'expérience française mais dans le fond, elle est réadaptée à une tout autre réalité qui est celle du système politique algérien. L'auteure n'admet pas qu'on parle de lacune ou de défaillance ou même de ce qui est communément appelé dans le jargon juridique «un vide dans les textes de loi». S'il est courant qu'une disposition juridique soit partiellement reprise d'un texte français, dans ce cas, il ne s'agit ni d'omission, ni d'erreur, ni de lacune. «Lorsque le constituant algérien omet une partie d'un texte, il le fait délibérément dans l'optique de l'adaptation au contexte algérien et surtout à la logique profonde du système institutionnel.» On appelle cela le «bricolage constitutionnel». Ce bricolage consiste «à faire du sur-mesure» dans l'élaboration des lois. Cette «adaptation» et ce «bricolage» ont créé une situation exceptionnelle. Le pouvoir législatif ne s'est pas contenté de s'effacer au profit du pouvoir exécutif. Ce dernier a fini par avoir la mainmise sur le Parlement. Plus grave encore, le Parlement algérien a délégué, sciemment ou contraint, son pouvoir législatif au pouvoir exécutif. D'ailleurs, l'auteure remarquera que «historiquement, et ce, même sous la colonisation française, le premier d'entre les pouvoirs en Algérie, n'a jamais été le pouvoir législatif, mais le pouvoir exécutif». Le Parlement algérien, poursuit l'auteure, bénéficie d'une liberté relative Pourquoi?La première entrave «est constitutionnelle» due à l'article 115 alinéa 1 de la loi fondamentale. Le texte oblige le Parlement à se conformer à une loi organique - définie par l'auteur comme un règlement intérieur bis - laquelle a été initiée et enfin promulguée par l'Exécutif. Le Parlement en tant qu'institution morale ne jouit pas d'une totale liberté. Relative aussi, est l'autonomie de ses membres. Quant à ses actes, ils demeurent complexes et nécessitent l'intervention de plusieurs organes. Un projet de loi doit passer par le bureau de l'APN constitué dans sa majorité de partis de la coalition gouvernementale. Puis le texte est renvoyé au gouvernement qui dispose d'un veto, puisqu' il peut accepter comme il peut rejeter le projet de loi. Enfin, une loi, pour qu'elle entre en vigueur, doit absolument avoir l'aval du Président, seul habilité à la promulguer. Contrairement à la loi française qui donne au Président 10 jours pour signer une loi, en Algérie ce délai est ouvert. Le Parlement partage en réalité le pouvoir législatif avec le Président, qui a le moyen de légiférer par le biais de l'ordonnance. Le Droit parlementaire revient sur la fonction de contrôle de l'Exécutif. Cela se fait à travers les questions orales et la motion de censure et ou de confiance lors de la présentation du plan d'action du gouvernement ou de la déclaration de politique générale. Si en apparence, cette fonction est assurée en vertu de la Constitution, elle demeure néanmoins puérile, parce que le contrôle exige une responsabilité et cette dernière intervient que lorsqu'on détient le pouvoir. Le Premier ministre, en vertu de la nouvelle Constitution n'a pas de fonction gouvernementale. Il est là pour mettre en application un programme du Président. L'auteur du livre Droit parlementaire algérien se positionne dans le débat autour des fonctions et des missions du Sénat. Pour Mme Benabou, le choix est fait: «Le pouvoir algérien ne pourra jamais se passer de la Chambre haute.»