la nation avance d'une démarche assurée et rassurante vers la concrétisation de la démocratie. Dans les pays démocratiques ou supposés tels, la notion de démocratie, du moins l'essence qui la sous-tend, reste tout aussi «ignorée» dans les pays qui, privés à la naissance de son magistère, poursuivent imperturbablement le rêve de la voir s'instaurer un jour chez eux. Car, attention ! pour un grand nombre de ces rêveurs, la démocratie ce sont le bonheur, la fête permanente et une forme de débauche onirique où toutes les opinions sont permises. Notamment parler de la libre-circulation des personnes et des droits de l'Homme. Le paradis quoi! Or, cette démocratie-là, qui n'existe qu'en Occident, n'est, en réalité, qu'un moindre mal parmi la variété de pouvoirs coexistants dans le monde dont la palette de modèles peut aller de la dictature la plus hideuse au système en voie de démocratisation. Comme le nôtre. Pourquoi l'Algérie a-t-elle bénéficié d'une temporalité plus courte pour accéder à cette voie? Au risque de froisser les tenants du pouvoir de «droit divin» qui ont adopté cette idéologie à la faveur des ravages causés à notre société par l'islamisme intégriste durant ces vingt dernières années, nous dirions que c'est parce que l'Algérie se situe aux portes de l'Occident que l'éveil à ce projet de société l'a sensibilisée. Mais pas seulement! Car outre le bénéfice qu'elle a su tirer de la culture universelle, elle n'a pas été contrainte, après l'indépendance, de se soumettre au pouvoir d'une quelconque dynastie royale en exil, particulièrement active pour restaurer la même souveraineté qui était en vigueur avant que le colonialisme ne s'en empare. Et ce n'est pas faute, pour certains, d'avoir essayé de partager leur goût pour la royauté en en fondant la légitimité sur les restes fossilisés de souvenirs de guerre datant d'un autre siècle. La Guerre de libération algérienne ayant été dirigée par des gens du peuple, les législateurs des premiers instants de l'indépendance n'ont obéi qu'à ce qu'ils connaissaient des modèles existants dans le monde. Dans des circonstances, il est vrai, où la sérénité et l'urbanité faisaient grand défaut. Ben Bella parti, on nous suggéra d'expérimenter un autre aspect de la «démocratie» tel que peut nous le livrer à chaque instant la dénomination de la «République elle-même, dans ses deux prémices démocratique et populaire». Résultat: nous vécûmes sous un autoritarisme sans fin. Passons l'expérience du parti d'avant-garde et dont les instances étaient bourrées d'officiers de l'ANP. Une expérience qui, dans ses pratiques, voulait, elle aussi, instaurer un modèle dont la finalité fera rire les plus endurcis des antidémocrates, à savoir la démocratie responsable chère à feu Mohamed Chérif Messaâdia. Expérience riche en perte de temps et en frustrations, fera vite long feu. Et pour autant nous conduira vers un objectif inattendu et auquel le peuple algérien rêvait depuis toujours, à savoir une confrontation de laquelle jaillirait enfin la lumière. C'était en octobre 1988. Depuis les Algériens ont su non seulement s'adapter, mais aussi s'adonner sereinement à d'autres expérimentations avec pluralisme et institutions censés reproduire, chaque jour un peu plus, notre marche implacable vers la démocratie dont la concrétisation ne pourrait aboutir si elle ne baignait dans la philosophie d'un pouvoir dont les fondations cardinales étaient figées ou déséquilibrées l'une par rapport à l'autre. L'Algérie qui a adopté en 1989 un système politique fondé sur une approche classique de la démocratie - la moins préjudiciable aux droits de l'Homme et du citoyen en attendant mieux - ne saurait se passer du principe fondamental de l'équilibre des pouvoirs comme cela, il existe partout dans les pays avancés. Or, dans la pratique, les prérogatives allouées au président de la République semblent, selon certains points de vue, insuffisantes. D'où les velléités relevées ici et là pour lui attribuer davantage de pouvoir par rapport au judiciaire et au législatif. Alors que dans la pratique rien ne justifie de tels rajouts que d'ailleurs la Constitution ne prévoit pas. Allusion est faite ici à la Constitution de février 1989 que les meilleurs spécialistes algériens trouvent suffisante pour les 30 ou 40 années à venir. L'Algérie avance d'une démarche assurée et rassurante vers la concrétisation de la démocratie dans notre pays. Une démarche qui exige certainement du temps, mais aussi beaucoup d'intelligence en matière de gouvernance, si l'on veut que l'équilibre des pouvoirs, à force du renforcement d'un seul d'entre eux, ne dégénère en autoritarisme dont l'effet aliénerait tous les efforts accomplis ces dernières années par les trois pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire) pour s'équilibrer et être mutuellement en phase sans toucher à la légitimité qui leur assure la pérennité...