La démolition a été justifiée par la rareté d'assiettes foncières constructibles. La famille révolutionnaire d'Akbou est en colère. Des faits graves se sont produits dans cette ville. «Une caserne datant de 150 ans et portant la marque de la période fondamentale de notre histoire vient d'être démolie», écrivait Seddik Boukir, membre de la glorieuse Armée de libération nationale dans une déclaration adressée à la presse. Cette caserne est un site implanté depuis plus de 150 ans sur ce pan de montagne qui domine la ville d'Akbou dans la wilaya de Béjaïa. C'est en cet endroit qu'avaient séjourné de grandes figures de la Révolution algérienne. Il a été démoli par les autorités aux fins de bâtir des logements sociaux. Les froids bulldozers des travaux publics l'ont rasé. La caserne a été érigée par le maréchal Randon en 1854. Baptisée une première fois caserne du général Bugeaud par les Français, elle a été rebaptisée après l'Indépendance au nom du colonel Amirouche. Ce site avait fait office de centre de détention durant la Seconde Guerre mondiale. Des prisonniers de diverses nationalités y avaient séjourné. Le moindre recoin du site était un témoin de l'esclavage, de l'humiliation et de l'asservissement subis par le peuple algérien. Les récits d'anciens combattants de la région, comme celui de M.Boukir, relatent les séances de torture, d'humiliation durant la guerre de Libération nationale. Les soupçons et autres bruits ayant toujours couru sur l'existence de charniers à l'intérieur de l'enceinte se sont rapidement confirmés en 2004. Lors de la commémoration de la mort des colonels Si Amirouche et Si El Houas durant la même année, une volonté collective de préserver la mémoire collective avait jailli. Cette volonté s'était traduite concrètement par la création d'une structure associative, se voulant un rempart aux multiples atteintes portées çà et là aux symboles du passé récent de l'histoire de l'Algérie. Les festivités commémoratives de la mort de ces deux héros de la révolution 1954-1962, avaient été alors une occasion pour marquer le coup d'envoi de ce combat que partagent l'ancienne et la nouvelle génération. Des moudjahidine et des jeunes s'associent, en effet, dans ce combat de sauvegarde des sites et monuments. Bref, tout ce qui est lié de près ou de loin à l'histoire de la région et du pays. Quoi de mieux qu'une association en mesure de s'opposer en toute légalité à toute tentative allant dans le sens de nuire à l'histoire. Au cours des travaux, des ossements humains ont été découverts. La municipalité de l'époque avait promis de les réinhumer décemment dès que les opérations de fouille pour les fondations seront clôturées. Le site historique avait été longtemps abandonné pour devenir un endroit malfamé. Il sera ensuite affecté des années durant pour servir au recasement des sans-abri. Sa démolition a été justifiée par la rareté des assiettes de terrain constructible dans la localité mais aussi par l'abandon auquel la structure et ce qui en restait a été livrée depuis trop longtemps. La création de l'association était arrivée en retard. D'autres démarches ont été entreprises depuis des années pour amener les autorités locales à préserver le site de toute atteinte. Des écrits en notre possession en témoignent. Cette année encore, le sujet a refait surface. Un cri de conscience a été lancé «pour préserver la mémoire collective et les tombes de nos valeureux martyrs», écrivait M.Boukir qui dénonce «le silence complice voire approbateur de ceux qui se considèrent à l'avant-garde, pour anéantir un lieu hautement historique.»