Les derniers coups de boutoir à l'ex-caserne coloniale, plantée depuis plus de 150 ans sur ce pan de montagne qui domine la ville d'Akbou, ont été portés dernièrement par les bulldozers froids des travaux publics. Le site est retenu par les autorités locales pour l'implantation d'un projet de 400 logements sociaux. La caserne a été érigée, dit-on, par le maréchal Randon, bourreau de Fatma n'Soumeur, en 1854. Baptisée une première fois caserne du général Bugeaud par les Français, puis colonel Amirouche après l'indépendance, l'unité militaire a fait office de centre de détention durant la Seconde Guerre mondiale et aurait accueilli des prisonniers de diverses nationalités. Ses murs et ses dédales, rapportant les récits d'anciens combattants de la région, ont eu à dissimuler de longues et honteuses séances de torture, notamment durant la guerre de Libération nationale. Les soupçons et autres bruits ayant toujours couru sur l'existence de charniers à l'intérieur de l'enceinte viennent quant à eux de se confirmer. Les godets crochus des bulldozers ont en effet déterré des ossements humains qui « seront réinhumés dans des conditions décentes dès que les opérations de fouille pour les fondations seront clôturées », nous dit M. Akkouche, vice-président de l'APC d'Akbou, qui n'exclut pas la découverte de nouveaux ossements. L'abandon du site historique en avait fait un endroit malfamé, avant son affectation pendant des années au recasement des sans-abri. Sa démolition, que les élus à l'APC justifient par la rareté des assiettes de terrain constructible dans la localité et par l'abandon auquel la structure et ce qui en restait ont été livrés depuis trop longtemps, est tout simplement jugée « criminelle » par des moudjahidine. Seddik Boukir, membre de l'ALN et promoteur d'une pétition condamnant la démolition, soutient que des démarches ont été entreprises depuis des années pour amener les autorités locales à préserver le site de toute atteinte, comme en témoigne un écrit daté de 2001 et adressé à l'époque aux responsables municipaux. La coïncidence des opérations de démolition avec la célébration du 50e anniversaire du déclenchement de la guerre de Libération nationale est un autre élément qui rajoute au trouble de l'affaire et la pétition lancée ne se prive pas de réclamer une commission d'enquête sur ce que ses premiers signataires considèrent comme une « dérive ».