C'est un véritable cri d'alarme qui est lancé par la famille révolutionnaire, à la suite de la découverte des ossements humains sur le site de l'ex-caserne coloniale d'Akbou. La pétition lancée à la suite de cette découverte renseigne amplement sur cette politique de table rase qui n'épargne personne ni les vestiges historiques, témoin d'un chapitre important de notre histoire et de notre mémoire. La dernière mutilation connue, car il existe celles qui ne sont jamais révélées, est celle qui s'est produite à travers la démolition de la caserne Colonel Amirouche d'Akbou. Un véritable joyau, vieux de 150 ans, qui représente un pan entier de notre mémoire, un cimetière (charnier) des victimes de la torture des plus inhumaines du XXe siècle. Ce vestige historique aurait pu être restauré pour servir de lieu de mémoire aux futures générations. C'était là le souhait de certains qui ont avisé les autorités locales quant à la nécessité de préserver et de protéger cette structure qui représente un intérêt historique indéniable. Mais en vain, car les autorités ont passé outre les avis et conseils pour procéder à sa démolition afin de libérer le terrain pour la construction des logements sociaux. Cela aurait pu être salué si, d'abord, il ne s'agissait pas d'un lieu historique, puis s'il n'y avait que cette parcelle de terrain de disponible. Or, avouent de nombreux citoyens, ce n'est pas le cas puisque des assiettes de terrain situées à proximité du site pouvaient faire l'affaire de l'APC, mais voilà qu'elles sont bradées à des particuliers pour la réalisation des coopératives immobilières. Située sur les hauteurs de la ville d'Akbou, cette ex-caserne datant du siècle dernier porte l'empreinte du maréchal Randon en 1854. De triste réputation, cet officier de l'armée coloniale est connu pour avoir contribué à étouffer toute velléité de résistance du peuple algérien. Cette structure a vu passer des figures de la révolution nationale de la trempe de Fatma N'soumeur en 1857, soit trois années après son ouverture. Elle y a séjourné en tant que résistante. Durant la guerre de Libération, beaucoup de prisonniers sont morts sous la torture dans des cellules exiguës ou exécutés sommairement de nuit, raconte un moudjahid de la région qui affirme y avoir été détenu plusieurs mois durant. Cette caserne a servi aussi de centre de cantonnement et de triage... accueillant surtout des femmes de différentes nationalités. Cette caserne, qui était baptisée «Général Peugeot» pendant la guerre de Libération, a été non seulement le commandement général des forces armées coloniales aidées par les légionnaires, mais aussi un centre de torture tristement célèbre, dirigé par le capitaine Barta. Après l'indépendance, ce vestige fut baptisé caserne Colonel Amirouche et occupé par l'armée avant d'abriter plus tard, les sièges de sociétés nationales. La crise du logement aidant, ce site historique déjà dans un état d'abandon, servira de centre de transit pour les sans-abri. Non classé, ce site s'est dégradé au fil du temps pour devenir un lieu de délinquance. Aujourd'hui encore, rien n'indique que nous sommes sur un site historique. «Même la stèle qui y était prévue n'est toujours pas construite», explique avec beaucoup de peine le moudjahid qui constate «l'anéantissement d'un lieu hautement historique avec le silence complice et approbateur de ceux qui se considèrent à l'avant-garde». Qualifiant cette opération de «criminelle», il fera part de l'exigence de l'ouverture d'une enquête pour situer les responsables et souhaite la construction d'une stèle qui sera baptisée «Place des victimes de la torture».