La réalisation de cet ouvrage tant attendu passe inévitablement par la démolition de la prison du Koudiat et de la caserne de gendarmerie. Et là-dessus, les opinions sont partagées. La prison du Koudiat, l'une des plus anciennes du pays et la caserne, siège du groupement de gendarmerie de la wilaya, se trouvent en plein centre-ville, soit entre le stade Benabdelmalek et l'ex-quartier de Saint-Jean.Ces deux infrastructures sont, ces derniers temps, au centre d'une polémique qui anime les discussions, dans la ville aux sept ponts. En effet, la réalisation du tramway, dans sa variante la plus faisable, prévoit leur démolition pour donner corps à la nouvelle “porte d'accès” à la ville, avec la principale station du tramway. Ce projet, relégué chaque fois à une date ultérieur, vient de bénéficier d'enveloppes budgétaires conséquentes et de la batterie de dispositions réglementaires qui le rendent réalisable. La dernière en date est sa “déclaration” par le gouvernement comme “projet d'utilité publique”. Une disposition qui accélère la procédure d'expropriation et d'indemnisation. Le tramway est jugé, selon de études qui n'ont pas été confrontées à d'autres approches contradictoires, comme la solution majeure à la crise qui tétanise le tissu urbain de la ville. Le mégaprojet, à travers ses trois programmes, devrait quadriller les principales destinations suburbaines de la cité, soit Benabdelmalek-zone industrielle-Boussouf- nouvelle ville. Seulement, la variante retenue après les premières analyses rencontre une opposition auprès de certaines associations. Ces dernières dénoncent l'idée de démolir l'édifice de la prison qu'ils considèrent comme une partie de la mémoire de la cité à protéger. Pour un des membres de ces associations, “il est impossible que la cité se développe au détriment de son passé. On aura ainsi une autre ville, sans âme, étrangère à Cirta, façonnée par une histoire millénaire”. Pour un autre membre d'une association nouvellement créée et qui s'est illustrée lors de la fameuse affaire de démolition de l'habitat précaire dans la vieille ville, “démolir la prison du Koudiat, c'est porter atteinte à la mémoire de Ben Boulaïd, Bitat… à la Révolution". Ces arguments ne font pas cependant l'unanimité au sein de la population locale. Pour certains, l'idée même d'une prison en plein centre-ville est une forme de clochardisation de la ville. “Quand ce sont une prison, une caserne de gendarmerie et un cabinet du wali, qui se font face en plein centre d'une ville réputée capitale du savoir, nous sommes tentés de rappeler que le savoir et les symboles des appareils de répression sont incompatibles”, explique un universitaire. La prison du Koudiat est l'une des taches noires dans le registre des maisons d'incarcération en Algérie, de par sa vétusté et ses aménagements. Un élu local, lui, pense carrément que ceux qui sont contre la démolition ont pris l'habitude de dire non, à chaque fois qu'un projet apporte un plus à la ville, et “on ne les a pas vus quand des trottoirs et des poches urbaines ont été accaparées ou quand des Tata faisaient chaque jours des victimes”. Il conclut : “Dommage pour eux s'ils pensent qu'une prison et une caserne sont un patrimoine de la révolution.” Un ancien moudjahid, connu pour son franc-parler, rejette “cette exploitation machiavélique des symboles de la Révolution. On n'a pas fait la guerre pour que nos enfants demandent à ériger une prison et une caserne en musées”. Un membre de l'APW trouve, quant à lui, la polémique déplacée : “Constantine a raté beaucoup de rendez-vous avec la modernité. Oui, El Haddad et Ben Boulaïd ont séjourné à El Koudiat, mais pour visiter leurs cellules dans le quartier des condamnés à mort, il faut être un criminel. C'est la mémoire des chahids qu'il faut protéger et pas les cellules que visite le révolutionnaire, l'opposant politique mais aussi et surtout le dernier des crapules criminelles.” En effet, qui visite la tombe de Ben Boulaïd à part sa petite famille ? Enfin, l'idée qui est en train de faire son bonhomme de chemin est celle qui consiste à ériger une stèle. Mais, faisons en sorte qu'elle ne connaisse pas le sort de celle érigée pour mémoriser la mort du commandant de l'expédition de la conquête de Constantine, située dans les “S” de l'avenue Aouati, devenue un urinoir sans qu'aucune association ne crie au scandale. De son côté, la Direction des transports de constantine soutient que le projet ne sera pas réalisé au détriment des aspects archéologiques et historiques de la ville. Mourad KEZZAR