Les routes sont de moins en moins fréquentées. Les citoyens se cloîtrent chez eux. Grève de la faim, émeutes et blocage des routes telles sont les facettes de la vie de tous les jours dans la wilaya de Béjaïa. Le regain d'activité économique, qui a eu lieu à la faveur de la stabilité retrouvée, cède depuis quelques jours le pas à la morosité. Les principaux centres urbains n'affichent plus la même affluence et sont de plus en plus désertés. Les routes de moins en moins fréquentées. Les citoyens se cloîtrent chez eux. Depuis treize jours, date du début de la grève de la faim des détenus, la tension allait crescendo pour éclater samedi dernier à l'occasion de la marche interdite des ârchs à Béjaïa. Le mutisme observé par les pouvoirs publics par rapport aux revendications et la répression des citoyens qui voulaient protester pacifiquement n'ont fait qu'aggraver la situation qui vire dangereusement vers l'irréparable. Aux cinq délégués détenus à la maison d'arrêt de Béjaïa, en grève de la faim depuis le 18 juillet, se sont joints 28 autres détenus pour la même action dont les contours ne sont pas définis. Mais on parle d'ores et déjà d'une action que les délégués de la CICB entameraient incessamment pour amener les grévistes à cesser cet ultime et dangereux recours. Après le siège de la daïra de Timezrit qui a subi, samedi dernier, d'importants dégâts, hier c'était au tour de celui de Chemini. Dans cette localité, la colère a été provoquée par l'arrivée de renfort de CNS dont le départ est maintenant l'unique exigence des jeunes. Les Routes nationales sont impossibles à emprunter et leurs fréquentes et inattendues fermetures par les manifestants ont eu raison de la volonté des citoyens de faire le moindre déplacement. A l'heure actuelle, rien à même d'éclairer l'opinion sur les intentions des uns et des autres ne pointe à l'horizon , mais on reste convaincu que les bonnes volontés finiront par sortir de leur réserve pour agir et éviter le pire. Les citoyens, très sceptiques, se sentent les otages d'un pouvoir qui donne l'impression de vouloir une chose et son contraire et des ârchs qui versent dans des actions pour les moins irréfléchies et incontrôlables. Au milieu de ce dialogue de sourds, la majorité silencieuse se tait par peur de représailles ou encore d'être montrée du doigt. Prise entre le marteau et l'enclume, la population s'interroge sur les lendemains incertains. Jusqu'à quand continuera-t-on ainsi? N'y a-t-il vraiment pas de solution? s'indignent de nombreux citoyens. Le pouvoir et les animateurs du mouvement sont, en ce sens, renvoyés dos à dos. Si pour le premier, à savoir le pouvoir, dont les incessants appels au dialogue ne trouvent pas d'écho si ce n'est un rejet immédiat, il agit toujours en réponse aux menaces, mais n'essaie jamais de prévenir en apportant le remède nécessaire au mal avant qu'il ne soit trop tard. Les réponses annoncées toujours en retard ne peuvent, en aucun cas, produire l'effet escompté. «Gouverner c'est savoir prévenir et trouver des solutions», ne cessait de répéter hier, Ammi Saïd, contraint, à l'instar d'autres citoyens, de rebrousser chemin au pont d'El-Kseur. Il en est presque de même pour le mouvement citoyen qui, même si les décisions prises ne sont toujours pas celles souhaitées, il n'en demeure pas qu'elles sont soutenues par une jeunesse avide de liberté et tellement oisive qu'elle est prête à tout. Sur le terrain, on les voit chaque jour sous un soleil de plomb arroser les CNS de pierres et barricader les routes sous le regard des adultes qui, hypocritement, ne cessent de les dénoncer en aparté, mais jamais une initiative n'est prise pour y faire face. Pour en revenir aux détenus grévistes, ils sont depuis aujourd'hui, trente-trois à observer la grève de la faim. Farès Oudjedi, Khoudir Benouaret et Djemaï Azzedine (prison de Béjaïa) et Mohamed Ikhelef (prison de Kherrata) sont à leur treizième jour. Ils ont été rejoints depuis hier par les douze délégués de Sidi Aïch dont l'audition est en principe prévue pour demain. Par ailleurs, on a appris de source bien informée que le juge d'instruction rendra aujourd'hui visite aux détenus.