Lorsque l'on évoque les perspectives d'évolution du secteur de la santé, on a trop souvent tendance à articuler notre réflexion autour de simples (et parfois même simplistes) propositions d'action. Si toutes ces propositions partent la plupart du temps d'un bon principe, elles ont toutefois le défaut de nous faire perdre de vue les ramifications du problème. En effet, parler des questions de santé à l'échelle de toute une population ne peut se faire sans engager une réflexion profonde et intéresser toutes les compétences au débat. Aucune réforme sérieuse ne peut d'ailleurs se dessiner, sans que ressortent clairement les mots accessibilité, proximité, efficacité et satisfaction. Repères immuables de toutes les politiques de santé à travers le monde, ces quatre points cardinaux sont malheureusement sacrifiés sur l'autel de l'urgence. Parce qu'il faut agir vite, parce qu'il faut parer au plus pressé, on se lance sans prendre le minimum de recul nécessaire à la réflexion. C'est d'ailleurs ce même impératif d'urgence qui résume bien souvent les initiatives les plus louables à une liste de points sans liens cohérents. En développant un discours orienté exclusivement sur l'action à court et à moyen terme, on se donne certes les moyens d'apporter des réponses concrètes à des problèmes concrets, mais on prend aussi le risque de traiter de simples symptômes, en pensant éradiquer des fléaux. Comme dans tous les domaines, on ne peut malheureusement régler d'un simple coup de baguette magique des problèmes que seule une approche globale et pertinente peut permettre de clairement identifier. Les personnes les plus au fait des enjeux liés à la santé nous diront d'ailleurs qu'on ne peut pas appréhender l'état de notre système de santé à travers les seuls indicateurs de santé. Comme le disait récemment le Président Abdelaziz Bouteflika, lors d'une réunion consacrée au secteur de la santé, «les progrès réalisés par notre pays, notamment l'augmentation de l'espérance de vie à la naissance, le recul constant de la mortalité dans toutes les catégories, la couverture vaccinale (qui dépasse le seuil fixé par l'Organisation mondiale de la santé) et une diminution importante des principales maladies transmissibles ne peuvent trouver leur juste traduction que s'ils génèrent une plus grande satisfaction du citoyen». Et c'est justement cette satisfaction qu'évoque si judicieusement le premier magistrat du pays, qui fait malheureusement défaut dans nos structures de santé. Car, en dépit des réels efforts fournis par les plus hautes autorités du pays, des dizaines de milliers de malades continuent malheureusement de se plaindre d'une mauvaise prise en charge médicale. L'exemple des chiffres charriés par ces bons (voire excellents pour certains) indicateurs de santé, montre très bien les limites d'une approche «point par point». D'ailleurs, même si nous parvenons un jour à atteindre les indicateurs sanitaires des pays de l'Ocde (comme le prévoit le schéma directeur sectoriel à l'horizon 2025), nous aurons toujours l'obligation de penser notre médecine pour lui donner enfin la dimension sociale qu'elle réclame. Une dimension qui nous fera immanquablement comprendre que la médecine déborde largement du seul cadre hospitalier. Quoi qu'il en soit, les défis que nous impose notre courbe démographique, ne feront qu'accentuer les problèmes liés à la prise en charge médicale des patients qui frappent aux portes des structures de santé publique. Partout dans le monde, on parle de préparation de moyens humains et matériels avec des opérations de simulations, pour être vigilant devant les différentes pandémies, sachant que la planète est menacée. Les urgences médico-chirurgicales ont toujours été une calamité à travers le pays, suite à une mauvaise gestion et aux nombreuses insuffisances en moyens humains et matériels. Et il ne suffira pas d'ouvrir davantage de points de santé de proximité, qui se limitent aux seules consultations sans explorations, pour se rapprocher des patients et mieux contenir leurs besoins en matière de prestations médicales. Car, plus que les indispensables moyens matériels, il faudra surtout réussir à créer un ensemble homogène qui, comme l'explique très bien le président de la République, permettra de «mettre en oeuvre un véritable programme de qualité des soins, pour mieux protéger, mieux prévenir, et évaluer la prise en charge globale de la santé des citoyens». Un vaste et ambitieux programme qui doit reposer sur le management hospitalier moderne, la formation continue, la création de centres de soins de haut niveau ou encore une vraie politique de promotion du médicament algérien. (*) Président de la Commission nationale de la santé et des droits du malade ASCA