Les entreprises françaises sont partagées sur la présence chinoise en Afrique. Certaines y voient des concurrents, d'autres des partenaires. Les Etats-Unis ne comptent pas contenir l'expansion de la Chine, mais les milieux économiques d'une autre puissance voit d'un mauvais oeil la présence des entreprises chinoises en Afrique. Les entreprises françaises observent, en effet, avec fébrilité la montée en puissance de la Chine en Afrique qui risque de leur tailler des croupières sur leur ancien précarré mais qui pourrait également leur offrir des opportunités sur le continent. Célébrée par un récent sommet en Egypte, la Chinafrique n'est pas une vue de l'esprit, selon des articles de presse. Armé d'inépuisables réserves de change, Pékin déverse sur le continent quinze fois plus d'investissements qu'en 2003 afin d'étancher sa soif de matières premières et offrir des débouchés à ses entreprises. La Chine présente les choses autrement et parle d'aide à ce continent. Face à ce déferlement, certains anciens partenaires de l'Afrique vacillent. Dans certains secteurs comme le BTP et les télécoms, il y a une concurrence féroce qui va évidemment un peu handicaper des entreprises françaises, fait valoir une source proche des milieux d'affaires. Il y a une évolution très claire de la situation avec l'arrivée des entreprises chinoises, indique-t-on chez Alcatel-Lucent, implanté au Mozambique et en Côte d'Ivoire. La concurrence n'est pas nouvelle en Afrique, mais la Chine y dispose de sérieux atouts: des coûts imbattables et une force de travail sur place estimée à un million d'hommes. Les Chinois ont une très bonne réputation pour leur rapidité dans la mise en oeuvre des projets, souligne Helmut Reisen, spécialiste à l'Organisation de coopération et de développement économiques. Résultat: la période de la chasse gardée est révolue pour la France, auparavant protégée par sa situation d'ancienne métropole, observe Leonard Wantchekon, économiste béninois et enseignant à New York. Les entreprises françaises conservent encore une avance technologique dans certains domaines (barrages, câbles sous-marins) mais la Chine risque de rattraper son retard, selon la source des milieux d'affaires. La nouvelle donne ne déplaît pourtant pas à tout le monde. En drainant des millions de dollars de capitaux, la Chine a contribué au dynamisme du continent, désormais habitué à 5% de croissance annuelle. Tout ce qui contribue au développement de l'Afrique est extrêmement bénéfique pour les entreprises françaises qui y sont présentes, assure Anthony Bouthelier, du Conseil français des investisseurs en Afrique. Quand on construit un pont, on dépend de commandes publiques qui peuvent elles-mêmes être stimulées par des investissements chinois, se réjouit-on chez Lafarge, leader mondial des matériaux de construction qui compte 21 sites sur le continent. Chez Bolloré, on juge que les investissements chinois ont accru l'attractivité du continent et sont un motif de dynamisation pour le groupe présent en Côte d'Ivoire ou au Bénin. L'impact global est positif, souligne son directeur général Afrique, Dominique Lafont. Plus généralement, les grands travaux d'infrastructure réalisés par Pékin facilitent l'activité économique sur le continent. C'est le cas pour les autoroutes en Algérie. Filiale du groupe français PPR, l'entreprise de distribution CFAO n'a aucune raison de voir d'un mauvais oeil la présence chinoise. Le géant pétrolier Total assure, lui, être plus partenaire que concurrent de Pékin. Il est d'ailleurs associé avec la compagnie pétrolière chinoise China's National Offshore Oil Corporation dans une concession au Nigeria. La montée en puissance chinoise place les entreprises devant un même défi: rester au contact d'un continent en plein essor, également convoité par l'Inde ou le Brésil. Les investisseurs français sont trop frileux et hésitent encore à se placer sur un continent qu'ils jugent trop risqué, déplore Anthony Bouthelier. L'Afrique a été d'ailleurs reléguée à une place marginale dans les échanges commerciaux français: de près de 40% dans les années 60 à environ 2% aujourd'hui.