L'ancien secrétaire général du FLN ouvre une nouvelle brèche dans la réécriture de l'Histoire. L'ancien membre du CCE (Comité de coordination et d'exécution), Abdelhamid Mehri a affirmé que l'assassinat de Abane Ramdane a été une décision prise collectivement au sein des institutions de la Révolution, qui monopolisaient toutes les prérogatives relevant de l'exécutif, du législatif et du judiciaire. C'est la première fois qu'un responsable politique algérien fait une pareille déclaration qui a une double signification. D'abord, elle brise un tabou entretenu au plan officiel et selon lequel Abane Ramdane est tombé au champ d'honneur. Ensuite, il y a la reconnaissance d'une erreur collective. Est-ce un réel pas vers une vraie écriture de notre Histoire? «Les liquidations physiques durant la Révolution s'expliquent par une vision ou conception individuelles engendrées par une erreur fondamentale et majeure: les institutions de la Révolution embrassaient à la fois tous les pouvoirs dont le judiciaire», a déclaré hier l'ex-secrétaire général du FLN lors d'une conférence sur les institutions de la Révolution organisée au forum d'El Moudjahid. Même si Boussouf et Ben Bella, souvent cités par certains historiens, comme étant les instigateurs de cet assassinat, ils ne l'avaient pas fait de leur propre chef, car la décision relève d'une sentence institutionnelle. Toutefois, la vraie leçon n'était pas tirée de cette expérience selon M.Mehri «On a repris les mêmes erreurs après l'Indépendance; tout en transposant les mêmes schémas truffés des aspects négatifs de la Révolution, on a ignoré sciemment les aspects positifs», soulignera Abdelhamid Mehri. Toujours dans le volet des liquidations physiques, le conférencier suppose que l'élimination de Krim Belkacem est directement liée au fait «d'une justice à la carte», mise sous la coupe de l‘Exécutif ayant concentré tous les pouvoirs entre ses mains. A ce niveau également, c'est la première fois qu'un responsable politique, qui a occupé de hautes fonctions de l'Etat après l'indépendance, fasse pareille révélation qui, le moins que l'on puisse dire, est tonitruante. «Les mêmes erreurs sont reproduites actuellement, en ce sens que la justice n'est toujours pas indépendante», a encore ajouté l'ancien ministre des Affaires nord-africaines. La liquidation de Abane Ramdane, surnommé à juste titre le cerveau de la Révolution, fait couler encore beaucoup d'encre. Le mystère de cet assassinat n'a jamais été élucidé. Abane Ramdane dérangeait beaucoup de monde, c'est pour cela qu'il a été assassiné par ses pairs en février 1958, selon quelques révélations. Les idées qu'il a véhiculées ont été très mal comprises du fait qu'il était en avance, sur le plan intellectuel, sur sa génération, soutient-on encore. Auparavant, l'ancien Premier ministre, Belaïd Abdesselam, a évoqué l'assassinat du stratège du Congrès de la Soummam à l'occasion de la Journée du Moudjahid en expliquant que «Abane, vu sa forte personnalité et sa persévérance, commençait à s'imposer comme le leader de la Révolution, ce qui n'a pas été du goût de certains», ajoutant que «si Krim Belkacem et Ouamrane n'avaient pas donné leur accord, Abane n'aurait jamais été assassiné». Selon certaines informations, les colonels Bentobbal, Boussouf, et autres, avaient décidé de l'emprisonner au Maroc. De même que la liquidation du lion des djebels, Krim Belkacem, également présidant la délégation algérienne aux négociations d'Evian, relève d'un complot collectif selon les propos de plusieurs responsables politiques. En 1970, poursuivi par la haine de certains de ses frères de combat, il est assassiné, étranglé avec sa propre cravate dans une chambre d'hôtel à Francfort, en Allemagne.