Les dizaines d'hectares des plants de vigne et d'oliviers incitent à dire qu'il n'y a pas que des massacres dans cette région, mais il y a aussi toute cette dynamique créée depuis le lancement du Pnda. D'Alger, il faut prendre la direction Sud-Ouest, parcourir 145 kilomètres, traverser au moins six barrages pour arriver enfin au piémont de l'Ouarsenis...à Aïn Defla plus précisément. Une wilaya dont le nom est pratiquement synonyme de massacres et de terreur intégriste. Pourtant, les reliefs de cette partie de la vallée du Chellif, complètement en jachère par cet état de fait, sont doux et accueillants, pas du tout repoussants et hostiles comme l'est l'image imprimée à cette région par dix ans de terrorisme. Des terres vierges à perte de vue, une Mitidja bis non encore bétonnée qui semble supplier la main-d'oeuvre. Il convient de rappeler que bien avant le terrorisme, cette région avait subi aussi les conséquences désastreuses d'une politique agricole impulsée par l'euphorie de la Révolution agraire des années 70. A une région dont les coteaux produisaient l'un des meilleurs vins d'Algérie, on a voulu greffer une vocation céréalière et voilà le sort de l'agriculture définitivement scellé dans cette vallée. La surface agricole viable se rétrécissait depuis, pour atteindre, il y a deux ans 6000 ha. En, dépit de tout cela Aïn Defla est demeurée la première wilaya productrice de pomme de terre couvrant ainsi 33% de la production nationale. Dans ce sens, on peut dire que l'avènement du Pnda (Plan national de développement agricole) constitue une action avant tout salvatrice. Depuis le lancement de cette opération, il y a moins de deux années, la surface agricole viable est passée de 6000 à 11.000 ha. Les terres ont été reconverties en des cultures adaptées. Aïn Defla retrouve ainsi sa vocation première de région viticole. (un hectare bénéficie d'une subvention de 14,5 millions de centimes) et à raison de 50% la reconversion en raisin de table. «C ‘est l'une des mesures incitatives», affirment les responsables centraux ayant fait le voyage avec les journalistes. A titre d'exemple, on a visité les dizaines d'hectares reconvertis avec le concours de l'Oncv et grâce à la technique de la vigne greffée soudée l'expérience a été une réussite presque compléte. Des plants de cabernet sauvignon, de pinot et de serah verdoyaient en cette fin juillet à quelques centaines de mètres de la cave coloniale qui a subi un acte de sabotage en 1996. Perchée sur le coteau, la cave asséchée et abandonnée n'avait même pas un fond à offrir aux quelques journalistes qui l'ont prise d'assaut. En attendant, on rétablit «les injustices» et les erreurs commises comme on peut. «Dans les prochains mois, elle sera opérationnelle» rassure un responsable du ministère. Dans la lancée de cette reconversion, on plante des oliviers pour servir de brise-vent, un arbre rustique, rentable et aussi très adapté à la région. Telle cette EAC, dans la daïra de Djendel , ayant reconverti plus de 50 ha pour y planter des milliers d'oliviers et qui a bénéficié de 600 millions de centimes represntant une aide dans le cadre du Fndra . Djendel, Aïn Chiakh, Bir Ould Khelifa ,Boumedfaa et Hoceinia sont parmi les localités qui ont bénéficie des programmes du Pnda. Selon les responsables de la wilaya, 36 communes ont jusque-là adhéré à ce programme. La plupart des exploitants rencontrés lors de cette visite guidée ont soulevé pratiquement les mêmes problèmes. qui se résument essentiellement à l'eau et à l'insuffisance des aides allouées. Il est vrai que les actions sont encore insuffisantes, mais ces plaintes sont souvent dictées par l'idée qu'il faut tout arracher à l'Etat . Des années de tâtonnements des actions souvent vouées et des promesses non tenues ont fini par imprimer cet état d'esprit à ces fellahs. A chaque point de visite, une bataille implicite s'engage entre les responsables et les fellahs. D'un côté, les uns se plaignent du manque de moyens, de l'autre on essaie de faire comprendre que l'opération -Pnda - s'est déroulée dans les conditions les plus transparentes. «Dites-leurs si vous avez bénéficié d'une subvention», «Connaissez-vous le DSA pour avoir accédé à cette aide?», «Avez-vous des connaissances au niveau de la wilaya?», lancent les responsables. Une autre nouveauté relevée lors de cette sortie, c'est le partenariat dans le domaine de l'agriculture. On cite entre autres la minilaiterie Wanis lancée il y a quatre mois. Un investissement de 16 milliards de centimes avec une ligne de crédit de 65 millions de dinars de l'Agence française de développement (AFD). Cette laiterie, qui emploie 16 personnes, produira, selon ses responsables, 5000 litres de lait par heure. L'exploitation Cherfaoui est un autre exemple de partenariat. Elle a bénéficié d'un apport de 28 millions de dinars (du partenaire Hasnaoui), d'un système d'irrigation hautement performant - la fore irrigation - à ce partenariat l'Etat a contribué avec 12,7 millions de dinars. Ces exploitations à financement relativement important sont considérées par les promoteurs du Pnda comme étant des projets pilotes qui, par leur réussite, produiront un effet boule de neige chez les agriculteurs qui demeurent réticents. La superficie agricole utile à Aïn Defla est évaluée à 180 327 ha, 1440 EAC occupent une superficie de 41.116 ha et 32.000 personnes activent dans le secteur agricole. Pendant des années, il y a eu un désinvestissement dans le secteur agricole il fallait donc des mesures incitatives et attractives. C'est ce que se propose de réaliser le Pnda. Sur le terrain on sent qu'il y a une dynamique, une lueur d'espoir qui se lit sur les visages de ces personnes qui viennent de se rendre compte que ni l'intégrisme ni le terrorisme ne sont une fatalité qu'ils doivent nécessairement subir. Driouche Aïssa et Nadjem Ahmed sont des ingénieurs en agronomie au chômage depuis des années. Cette fois-ci ils nous ont accueillis dans leur bureau. Après le lancement du Pnda, il fallait un service technique pour la vulgarisation, les études et les conseils pour les agriculteurs pour la plupart des analphabètes. C'est de là qu'est venue l'idée de créer «un programme de soutien à l'investissement et d'appui à l'exploitation agricole». Ainsi ces jeunes universitaires ont bénéficié d'étude et de conseil. Ce programme jeunes, qui encadre le secteur, a l'avantage de résorber le chômage et les cadres sont payés par la plus-value des agriculteurs. Au niveau de la wilaya de Aïn Defla, 600 jeunes ont pris contact avec la DSA ,341 dossiers ont été déposés dont 32 étudiés et finalisés. L'investissement dans l'agriculture à travers l'autofinancement, le développement des zones de montagne, la diversification des produits agricoles et la protection des ressources naturelles sont les objectifs que vise le Pnda. Les premiers résultats commencent à apparaître avec un soutien de l'Etat de 4%, alors que les pays de l'UE soutiennent l'agriculture à hauteur de 40 %. Aïn Defla n'est qu'un échantillon, est-il le meilleur? Qu'en est-il des au-tres wilayas? Celles de l'Est, de Kabylie et celles du Sud?