Depuis son assassinat, chacun de ses fans use de sa manière afin de rendre hommage à Matoub Lounès. Un jeune auteur de la région de Mekla, à l'allure de véritable artiste, décide de publier un livre. A sa manière. Ce n'est ni une biographie, ni une lecture de sa poésie, encore moins une nouvelle traduction de ses poèmes. Le poète Abdelhafid Chenane publiera un livre de poésie, en kabyle, entièrement consacré au poète de Taourirt Moussa. Depuis le 25 juin 1998, Abdelhafid Chenane ne cesse de triturer ses méninges afin de trouver un moyen qui lui permettrait d'exorciser sa peine. Une solution pour rendre ce qui lui fait mal au plus profond de son être. Les jours, les nuits et les années sont tellement passés vite qu'aujourd'hui on a de la peine à croire que déjà onze ans se sont égrenés depuis que le Rebelle n'est plus parmi nous physiquement. Abdelhafid Chenane finit par adopter la même méthode que Matoub. Au lieu de soigner la souffrance, il utilise celle-ci pour se soigner. Il écrit un poème fleuve, constitué de plusieurs dizaines de pages: des pages où le souvenir de l'indicible est ressassé à l'infini comme une douloureuse chanson de Matoub. «J'ai écrit ce poème comme si je communiquais directement avec Lounès», nous confie Abdelhafid Chenane, rencontré à Tizi Ouzou, au café maure «le Moka» le même que fréquentait Matoub de son vivant et même quelques jours avant sa mort. Le livre de Abdelhafid Chenane se décline sous forme de dialogues imaginaires, bien sûr, entre Matoub, sa mère et d'autres proches. Le texte est émouvant et écrit dans un kabyle très précis. Un peu comme pour imiter son maître, le poète utilise une palette de mots du terroir dont certains ne sont plus en usage dans la société kabyle d'aujourd'hui. Le livre est intitulé à juste titre Daguella. Il est vrai que si certains sont les poètes des rois, Matoub, lui, est le roi des poètes.