«Est-ce qu'il faut modifier nos règlements d'urbanisme pour permettre qu'il y ait des minarets d'une certaine taille? Je ne le crois pas», s'est demandé le secrétaire général de l'UMP, Xavier Bertrand. Le vote des Suisses lors d'un référendum organisé dimanche dernier, à une large majorité (57,5%) en faveur de l'interdiction des minarets, a mis en effervescence l'ensemble de la classe politique française. Visiblement mal à l'aise, elle craint une remontée de l'extrême droite aux prochaines élections régionales qui se tiendront les 14 et 21 mars 2010. La vice-présidente du Front national, qui a applaudi la sanction du référendum helvétique, s'est empressée de lancer un appel aux «élites» suisses et de l'Hexagone afin de «cesser de nier les aspirations et les craintes des Européens qui, sans s'opposer à la liberté religieuse, rejettent les signes ostentatoires que veulent imposer des groupes politico-religieux musulmans». Marine Le Pen compte ratisser large et profiter des différents débats qui se sont instaurés au sein de la classe politique française, concernant, notamment le port du foulard islamique et celui, plus récent, de la burqa. Elle joue sur du velours dans un pré carré qui a fait le fonds de commerce de sa formation politique, et fait appel à cette fibre populiste qui tire son essence dans le rejet et la peur de l'autre: celle de l'étranger, de l'immigré. Un bouc émissaire tout désigné qui s'invite contre son gré à des scrutins électoraux dont il est automatiquement exclu. Et cela dure depuis au moins trois décennies. Il est tenu pour responsable du problème du chômage, de la crise du logement. Il est stigmatisé à travers sa pratique religieuse, linguistique, et son mode de vie qui ont forgé son identité. Des sujets sensibles qui donnent du grain à moudre au Front national qui a toujours ratissé large en entretenant des arguments xénophobes auxquels ne sont pas insensibles les catégories sociales les plus défavorisées. L'opportunité qui lui est offerte, une fois de plus, cette fois-ci, sera exploitée à fond. Marine Le Pen (vice-présidente du FN) a appelé ses compatriotes privés du même droit que les Suisses sur le même sujet (l'interdiction des minarets en France) à se prononcer à travers l'échéance électorale qui se tiendra dans moins de quatre mois. «Les Français qui n'ont pas la chance de pouvoir s'exprimer par référendum sont invités à le faire, massivement, lors des élections régionales de mars prochain.» Les hommes politiques les plus en vue ont, dans leur ensemble, montré leur réprobation envers le vote des Suisses. «Il risque d'encourager toutes les formes d'amalgame», a estimé le patron des députés de l'Union de la majorité présidentielle, Jean François Copé. Le ministre français des Affaires étrangères s'est déclaré «un peu scandalisé». Ce vote est «une expression d'intolérance et le signe qu'on opprime une religion», a ajouté Bernard Kouchner. Eric Besson, le ministre controversé de l'Immigration, craint «une stigmatisation de l'Islam en France». Nicolas Sarkozy qui a instauré récemment un débat sur l'identité nationale, fortement critiqué à gauche, est accusé de vouloir injecter le même type de controverse au sein de la société française. Cela incite à faire de «l'étranger ou de l'immigré un bouc émissaire», a fait remarquer le porte-parole du Parti socialiste, Benoît Hamon. Les Verts, parti écologiste, ont déterré la loi sur le voile et le projet de texte qui concerne la burqa pour blâmer le gouvernement. «On est en droit de se dire que ce vote suisse risque d'inspirer des partis peu scrupuleux à la recherche désespérée des voix de l'extrême droite», a regretté Noël Mamère. Le Front national qui a salué le vote suisse revendique à son tour «un référendum sur le communautarisme» en France. «Le problème est plus profond que celui du simple minaret», a déclaré le parti xénophobe. Au mois de juin 2009, le chef de l'Etat français avait déclaré à propos de la burqa: «Elle n'est pas la bienvenue en France» alors que la majorité des femmes qui la portent sont des Françaises converties à l'Islam. Plus de 25%, selon des statistiques très crédibles. Ce qui remet en question l'exercice des libertés individuelles au pays des droits de l'homme et que compte piétiner sans vergogne le Front national. En engageant ce type de débat, la France se retrouve face à son histoire, celle de ses anciennes colonies et des cultures qu'elle a côtoyées sans jamais les avoir intégrées.