Il a traduit des chefs-d'oeuvre de théâtre vers le kabyle. Ce qui fait de lui une référence dans le domaine. Mohia, de son vrai nom Mohand Ouyahia, est au théâtre d'expression amgzighe ce que Matoub Lounès est à la chanson. Depuis jeudi dernier, la Maison de la culture Mouloud-Mammeri est ornée de portraits de Mohia. L'activité est organisée sous l'égide du ministère de la Culture par la direction de la culture de la wilaya de Tizi Ouzou en collaboration avec le théâtre régional Malek-Bouguermouh de Béjaïa. Les quatrièmes journées théâtrales sont une manière originales de réhabiliter Mohia qui a, durant toute sa vie, évolué en solo, sans soutien médiatique ni officiel malgré l'importance de son apport à la culture et au théâtre algérien. Et comme il n'est jamais trop tard pour bien faire, cette manifestation est à saluer et à perpétuer. Le visiteur des stands Maison de la culture de Tizi Ouzou pourraient avoir une multitude d'informations sur la vie et l'oeuvre de Mohia grâce à une exposition de documents et de photographies. La première journée a été l'occasion de présenter pour la première fois dans la ville des Genêts la pièce de théâtre Le Foen de Mouloud Mammeri. Cette production est produite par le Théâtre régional de Béjaïa et mise en scène par Djamel Abdelli. Hier, c'était au tour d'une autre pièce, adaptée par Mohia et mise en scène par Samy Allam. Celle-ci est aussi le produit du Théâtre régional de Béjaïa et s'intitule Urgagh muthagh. Le programme de ces journées qui connaissent une affluence particulière malgré le mauvais temps se poursuivra jusqu'au 7 décembre. Parmi les autres productions qui seront présentées, on pourrait citer Sin nni de Mohia, présentée par le Théâtre régional de Béjaïa et mise en scène par Latrèche Mouhoub. Un recueillement sur la tombe de Mohia au village d'Ath Rbah, près de Tassaft Ouguemoun est programmé pour la dernière journée. En plus de sa vocation irrévocable pour le théâtre, Mohia a écrit des textes pour plusieurs chanteurs et chanteuses. D'ailleurs, c'est en tant que parolier qu'il fit ses premiers pas dans le domaine culturel. Ses textes ont été interprétés par le groupe lmazighen lmoula, Ali Ideflawen, Malika Domrane, Slimane Chabi, Takfarinas, Djurdjura. Toutefois, un nombre important de ses poèmes est resté inédit à ce jour. Dans une présentation de son oeuvre, distribuée à l'occanion de ces journées théâtrales, il est noté que les nouvelles et les contes n'ont pas été négligés dans son oeuvre. Les contes constituent le véritable gisement de la culture berbère. Ils ont été fortement travaillés par Mohia Tamacahut n Iqananen (Histoire des nains), Tamacahuts Yeghyal (histoire des ânes), Asmi inkhedem le théâtre (quand on jouait au théâtre) et bien d'autres. Mohia collabora à vulgariser, à travers des publications militantes (revues et bulletins) les aspects de la culture kabyle. Ses débuts dans la traduction théatrale remontent à ses années de lycée à Tizi Ouzou. Au lycée Amirouche, il anima avec un groupe de lycéens, une troupe de théâtre qui subissait l'ostracisme de l'administration qui y voyait une véritable menace. Le groupe de lycéens se retrouve plus tard à l'université d'Alger et constitue le cercle des étudiants de Ben Aknoun. Le déclic eut lieu avec la pièce de théâtre de Kateb Yacine, Mohamed prends ta valise. Celle-ci révolutionna les esprits. Mohia traduisit Morts sans sépulture de Jean-Paul Sartre, puis avec Mohand Loukad, ils traduisirent une autre pièce du même auteur. En 1974. Il adapta L'Exception et la règle de Brecht. Cette adaptation a été.publiée aux éditions Tala. Dans la préface, Mohia insistait sur la nécessité de produire en tamazight. Mohia traduit par la suite une autre pièce de Brecht: La décision. Le Ressuscité de l'écrivain chinois Lu Xun, La Jarre de l'italien Pirandello, Tartuffe de Molière et Ubu Roi d'Alfred Jarry, sont également adaptées au début des années quatre-vingts. Mohia poursuit son chemin en s'attaquant à Médecin malgré lui de Molière et En attendant Godot de Samuel Beckett sous les titres de Am Win yestragunun rebbi et si Lehlu. Mohia est allé à la découverte des pièces originiales et même de celles écrites par des auteurs inconnus, comme la farce de maître Patelin composée par un inconnu au XIIIe siècle, Les Fourberies de Scapin, Le Malade imaginaire de Molière et Knoçk de Jules Romain. Puis, Mohia s'intéressa aux autres cultures, notamment grecque et chinoise, en se penchant sur la pièce Entre les émigrés de Mrozeck, entre autres.