Bien plus que les Berbères traités de sauvages et de barbares, l'indignation contre l'outrage à nos martyrs fait l'unanimité à Tizi Ouzou. La vague d'injures et de diffamation des médias égyptiens continue de s'abattre sur tout ce qui est algérien. Pendant trois semaines, les Algériens encaissent des insultes jamais entendues de la part des pires ennemis de leur pays. Après avoir vécu trois semaines d'injures et d'affronts, des citoyens commencent à s'interroger sur le pourquoi de courber l'échine et surtout sur le silence officiel: «Que nous cache-t-on encore?», «Y-a-t-il des dessous économiques, politiques qui justifient ce silence?», entend-on dire chez des citoyens excédés de voir les symboles de leur pays et leur dignité bafoués Durant la première semaine, l'osmose était totale entre les autorités politiques et la population. Des milliers de jeunes ont voulu partir au Soudan soutenir les Verts, agressés au Caire. La réponse des autorités a été à la hauteur des attentes et s'est matérialisée par la prise en charge de la majeure partie du prix des billets d'avion pour Khartoum. La deuxième semaine, les insultes proférées contre l'Algérie n'ont eu comme réponse que le silence. Cependant, ce que ne semblent pas accepter les populations, ce sont les outrages à nos martyrs. Ces derniers jours, à Tizi Ouzou, cela constitue le sujet de l'actualité chez la population. Si une infime partie semble partager la position des autorités politiques, la majorité, en revanche, s'impatiente de voir ces dernières accorder leurs violons avec la rue algérienne. Mais, la rue, en général, gronde. Elle ne semble pas du tout convaincue par ce silence qu'elle trouve «inexpliqué». Les citoyens rencontrés hier, se disent surtout déçus par le silence des partis politiques, y compris ceux de l'opposition. Des centaines, voire des milliers de témoignages mettent en évidence le décalage entre la réponse diplomatique et la rue face à l'hystérie des Egyptiens qui ont dépassé toutes les limites. Inimaginables: «Ils ont déterré notre un million et demi de martyrs pour leur cracher à la figure. Il ne reste rien entre nous Algériens et le peuple égyptien», s'est écrié un étudiant de l'université de Tizi Ouzou. «Un Algérien touché dans son honneur peut pardonner, mais il ne reste plus de chance de réconciliation avec son adversaire.» C'est l'avis de Ammi Saïd, moudjahid. Entouré par une foule de jeunes pendant notre conversation, le vieux n'a pas réussi à convaincre. «Si vous avez peur de les affronter, nous sommes là», lui lança Tarek, employé dans un café. La réponse de Ammi Saïd était qu'il n'avait peur de personne. «J'ai combattu la France, comment craindre les Egyptiens?», répliqua-t-il, calme. «Je n'ai jamais entendu un Français insulter les chouhada», dit un autre jeune. «Les Français les ont tués», réplique le vieux.. «Je préfère celui qui me tue plutôt que celui qui touche à mon honneur.» En effet, la discussion n'est pas exceptionnelle. Les jeunes sont outrés quand on parle des tentatives de réconciliation. «Alors comme ça, on est prêts à oublier et reprendre à zéro après qu'ils eurent craché sur les tombes de nos martyrs?», s'indignait Hamid, un universitaire. «Je refuserai d'être enterré dans ce pays, si j'entends encore parler de relations algéro-égyptiennes». Ce sont les paroles de Moh, un émigré à la retraite. La colère des populations n'est pas uniquement provoquée par le silence des autorités. Elle est aussi exacerbée par le silence des partis politiques. «Ces gens n'installent leurs DJ qu'à l'approche des élections». C'est la réponse de Hacène, vendeur dans un magasin. Il répondait à une question sur les partis et les insultes des Egyptiens. Il apparaît au vu des discussions que les partis politiques ne sont même plus pris aux sérieux. Parmi les personnes âgées, par contre, la colère n'est pas visible. Au contraire, beaucoup trouvent que l'attitude algérienne est empreinte de sagesse. Toutefois, la gêne est toujours là quand on évoque les insultes contre les chouhada. Bien plus que les Berbères traités de sauvages et barbares, l'indignation contre les atteintes à la mémoire de nos martyrs fait l'unanimité à Tizi Ouzou. «C'est bien que nos autorités gardent le silence. Les Egyptiens ont atteint un niveau aussi bas qu'il ne nous sied pas de les suivre», s'exprime un avocat âgé. Questionné sur l'emblème national algérien brûlé par des avocats égyptiens, le même juriste condamne, mais il estime que le plus grave est l'outrage fait à nos martyrs. Du côté de l'université Mouloud-Mammeri, certains étudiants se disaient outrés par les insultes contre les chouhada, mais pas étonnés d'entendre diffamées nos origines berbères. «C'est nous qui les avons reniées depuis quarante ans, comment voulez-vous que les Egyptiens les respectent», conclut Hamid percutant, étudiant en médecine.