Le gouvernement a essuyé un revers vendredi avec la dissolution du principal parti pro-kurde, le DTP, qui est accusé de liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan. Les nuages s'accumulent sur le gouvernement islamo-conservateur en Turquie, avec une conjonction de violences et de tensions centrées sur le dossier ultra-sensible de l'avenir de la minorité kurde. «Les récentes attaques terroristes dans le pays et les critiques concernant l'initiative démocratique du gouvernement pour résoudre le problème kurde, qui dure depuis des dizaines d'années, ont fait monter la tension en Turquie», écrivait ce week-end le quotidien Hürriyet Daily News. Le gouvernement a essuyé un revers vendredi avec la dissolution du principal parti pro-kurde, le DTP (Parti pour une société démocratique), qui est accusé de liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), organisation considérée comme terroriste par Ankara et de nombreux pays. La décision d'interdire le DTP a été prise par la Cour constitutionnelle, celle-là même qui, en 2008, avait failli dissoudre l'AKP, le Parti de la justice et du développement du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, pour atteinte à la laïcité, valeur cardinale de la République turque. Le principal parti d'opposition, le CHP (Parti républicain du peuple), fondé par Atatürk, a salué une «décision juste», tandis que le ministre de l'Energie Taner Yildiz a estimé qu'elle «ne résout rien». La dissolution du parti pro-kurde va de fait compliquer la tâche du gouvernement, qui vient de proposer une «ouverture démocratique» à la communauté kurde, pour tenter de saper le soutien au PKK et faire cesser un conflit qui a fait 45.000 morts en un quart de siècle. Cette décision «est un torpillage total de l'ouverture démocratique», a jugé l'analyste Ahmet Insel (Université de Galatasaray, Istanbul). D'autant que les cadres du DTP sont bannis de la vie politique pour cinq ans, ce qui ne facilitera pas d'éventuels échanges. Quant aux 19 députés du parti, ils vont boycotter le Parlement et envisagent même de démissionner. Les propositions du gouvernement aux 12 millions de Kurdes (sur 71 millions d'habitants) concernent principalement l'usage de leur langue. Elles ont été critiquées tant par les Kurdes, qui en dénoncent l'insuffisance, que par l'opposition parlementaire, qui accuse M.Erdogan de brader l'unité nationale, accusation gravissime au pays d'Atatürk. Parallèlement à ces propositions, qui selon des analystes visent avant tout à appuyer la candidature de la Turquie à l'Union européenne, le gouvernement a, fin octobre, laissé rentrer au pays, sans les arrêter, huit rebelles du PKK qui avaient abandonné leur base du nord de l'Irak. Mais ce geste de paix s'est retourné contre le gouvernement car les rebelles ont été accueillis en héros à Diyarbakir, ce qui a provoqué les protestations véhémentes de l'opposition nationaliste et kémaliste. Le gouvernement a aussi aménagé les conditions de détention du chef du PKK, Abdullah Öcalan, 61 ans, emprisonné à vie depuis 1999, suivant les conseils du Conseil de l'Europe. Là encore l'initiative a échoué, le détenu dénonçant des conditions pires qu'auparavant. Des manifestations violentes en soutien au détenu se sont soldées la semaine dernière par la mort par balles d'un étudiant. Le PPK a répondu en tuant sept soldats, lundi, dans le nord du pays. L'armée turque a pour sa part abattu neuf rebelles, dans un engrenage meurtrier inconnu depuis plusieurs mois. Dans ce climat de tension accrue, le président Abdullah Gül a lancé l'idée de «réunir tous les partis politiques». Une proposition à laquelle l'opposition n'a pour l'heure pas répondu.