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Le monde s'occidentalise
DEVENIR DE L'HUMANITE
Publié dans L'Expression le 17 - 12 - 2009

Le clivage profond est au niveau du modèle de société de civilisation que l'on veut promouvoir.
Quitte à se répéter, en cette fin d'année 2009, on ne peut que revenir sur l'état déplorable du monde. Des analystes affirment que le monde est actuellement en recomposition, alors qu'il se ferme. L'émergence de nouveaux pôles de puissance est relative et ne signifie pas la fin du monopole du Monde occidental et des Etats-Unis.
Le monde n'est pas multipolaire. Il n'est pas en voie de multipolarisation, malgré les fissures de l'ancien monde, le passage du G8 au G20, le projet d'élargissement du Conseil de sécurité et l'internationalisation de nombre de processus. Par-delà la puissance de la Chine, il est faux d'affirmer que la situation actuelle reflète un transfert du pouvoir de l'Occident vers l'Orient, de l'Europe et de l'Amérique vers l'Asie et que dans les vingt ans à venir, sera mis fin à quatre siècles d'eurocentrisme. C'est au contraire le monde qui s'occidentalise. En conséquence, la déception et toutes les formes de dysfonctionnement des comportements collectifs vont s'accélérer.
La Palestine au coeur des enjeux
C'est pour cela aussi que les discours occidentaux sur la Palestine sont ressentis comme un acte s'inscrivant dans la logique du «choc». Même si personne ne regrette le passé et que les observateurs avertis ne se faisaient pas d'illusions, sachant que le rapport de force n'évolue que sur la base de positions et actes concrets, la déception est réelle. Malgré des opportunités, comment nier que la direction à toute vitesse que prend le monde n'est pas la bonne? L'arrogance et l'injustice continuent à dominer, sous des formes subtiles. Même du temps de la colonisation, au visage si hideux, et ensuite de la guerre froide, l'horizon mondial n'a pas été autant porteur d'incertitudes. La volonté d'hégémonie, le double langage et la loi du plus fort, malgré le style «soft», radicalisent les opinions, rendre sourds les damnés de la terre et avoir des conséquences incalculables.
Même si les relations internationales ne reposent pas seulement sur le conflit israélo-palestinien et le traitement des musulmans comme nouvel ennemi, ces deux questions sont devenues majeures. Elles illustrent les impasses, dans lesquelles se trouve la communauté internationale.
La position des USA au sujet de la cause palestinienne reste injuste. Mais majoritairement le monde est conscient de l'enjeu. Malgré le soutien que lui ont apporté les Etats-Unis et les pays de l'UE, Israël n'a pu éviter que le rapport de la commission présidée par le juge sud-africain Richard Goldstone sur la situation des droits de l'homme en Palestine, soit adopté par 144 pays de l'Assemblée générale de l'ONU. La résolution n'est pas contraignante, mais augmente la pression. Ce que les USA négligent réside dans le fait que c'est la dimension morale du rapport qui sera gravée dans la conscience du monde.
Comme déjà signalé, la position de la première puissance au sujet du rapport onusien «Goldstone» et les déclarations de la secrétaire d'Etat Clinton, au sujet de la colonisation israélienne, montrent que la politique extérieure américaine n'a pas changé, réprouvée par la majorité des pays du monde. À quoi sert de dénoncer l'extrémisme, les atteintes aux droits de l'homme et les crimes de guerre aux quatre coins de la planète si ces principes sont bafoués dès qu'il s'agit d'Israël? Résultats, la crédibilité des USA est revenue à son niveau le plus bas, les extrémistes sont dopés et la logique du vivre-ensemble auquel tant de peuples sont attachés, risque de s'effondrer. Aucun forum, pression, matraquage médiatique ou déclaration diplomatique de circonstance n'y changeront rien. Comment peut-on encore demander de parler de dialogue des civilisations, de rejet de la violence et de processus de paix? Aux yeux des peuples concernés, ces mots d'ordre servent comme arme entre les mains des puissants pour dominer et réfuter toute forme de résistance.
La mise en cause du monde injuste, du système de domination, des forces qui le commandent, va passer par un regain en légitimité de la violence.
Le monde entier se retrouve fragilisé. Les chrétiens et les musulmans ont de lourdes responsabilités pour éviter le pire.
Au début, le président Obama a inquiété des Israéliens lorsqu'il affirmait vouloir mettre fin à l'occupation israélienne conformément au droit international et des résolutions de l'ONU. Puis, l'administration Obama a cédé devant le refus israélien du gel des colonies. Le refus pathologique d'Israël de tout processus de paix équitable est suicidaire.
Le pape Benoit XVI sait que flatter l'extrémisme en Israël est porteur de menaces.
Les gouvernements occidentaux pratiquent la partialité à n'importe quel prix, au lieu de la justice.
Le courage politique serait de tenir un langage de vérité. Israël sera en sécurité le jour où il cessera la colonisation. La paix est à ce prix. Cependant, les USA et les Européens ne le disent pas et l'exigent encore moins. La position du Vatican reste au contraire juste.
Les USA et l'avenir du monde
Il est clair que les Etats-Unis contredisent leur prétention à diriger le monde sur la base de l'équité et cherchent seulement à occidentaliser. En une année, la formule «Obama» pour y mettre la forme est critiquée. Aujourd'hui, il faut un minimum de consensus international et de droit pour asseoir une hégémonie.
Les aspects décisifs en sont la crédibilité, la suprématie économique et culturelle du modèle. Pour un milliard et demi de citoyens de confession musulmane dans le monde et autant ou plus de toutes les cultures et religions, notamment chrétiens, attachés à la justice, la première puissance, qui n'a pas d'équivalent, cherche à accélérer la mise en oeuvre de sa stratégie d'hégémonie totale. Cependant, les moyens, les images et les messages qu'elle véhicule sont contradictoires. Les peuples ne sont pas dupes. Nous avons besoin d'une superpuissance capable de raison et non d'arbitraire. Le devenir commun est en jeu.
Les Etats-Unis, dont tout le monde a besoin, ne semblent pas aptes à transformer leur supériorité en guide pour la communauté internationale, leur force en justice et leur puissance en morale. Les influences idéologiques néfastes, les calculs étroits et les alliances contre nature l'emportent sur la sagesse et l'intérêt général. Le monde musulman, et d'autres peuples attachés à leur «indépendance» et au droit international, par souci de vérité, à l'égard des Etats-Unis et de l'Occident, doivent rester capables de critique et de vigilance. Ce qui implique le refus de s'aligner, mais aussi l'acceptation du débat. Les USA risquent de ruiner les belles valeurs qu'ils représentent, à leur tête celle de la liberté, en humiliant l'oppressé, le colonisé et l'occupé, prenant sans cesse fait et cause pour Israël, un régime ethnico-religieux, qui exige de reconnaitre le caractère «juif» de l'Etat et cherche par là à subordonner la nationalité à l'appartenance à une idéologie et une à religion, en l'occurrence le sionisme et le judaïsme instrumentalisés. L'attitude de certains chefs d'Etat européens face au gouvernement israélien actuel extrémiste est choquante. C'est un soutien aveugle et subjectif qui ne correspond à aucun intérêt de ces pays.
Le monde musulman doit se reformer pour ne pas donner de l'eau au moulin des inquisiteurs et faire admettre ses valeurs. Il ne faut pas se laisser piéger par les leurres du système mondial qui divise pour régner. Sa stratégie est de cristalliser des lignes de clivage, interdisant l'expression de la différence fondamentale, celle entre l'ordre dominant et les peuples qui se veulent entiers et libres.
Le clivage profond est au niveau du modèle de société de civilisation que l'on veut promouvoir. Il y a un grand défi pour les peuples musulmans, celui de reconstruire une voie singulière, médiane, entre la modernité pervertie et desséchée et le repli sur une ligne rétrograde. Pour ce faire, le rôle de l'élite est irremplaçable. La fonction de l'intellectuel n'est pas de consoler.
Aujourd'hui, le monde musulman ne remplit pas pleinement les conditions des nobles critères de civilisation. Une révision des conduites politiques et culturelles doit se réaliser sur la base du savoir et du débat et non pas du monopole et du folklore. L'urgence est la formation d'une élite, pluridisciplinaire, afin de tenir compte des valeurs originelles et celle du mouvement historique, de la complexité du présent et des exigences de l'avenir. L'Algérie, en particulier, est en posture de donner l'exemple, si toutes les potentialités s'impliquent.
(*) Philosophe
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