Les révélations du groupe de 14 terroristes démantelé récemment ont jeté beaucoup de lumière sur les derniers attentats perpétrés dans l'algérois. La projection, hier, au Palais de la culture, d'un documentaire concernant l'arrestation de 14 éléments du GIA, qui formaient le groupe terroriste actif de l'Algérois, a permis de faire la lumière sur les derniers attentats qui ont mis la capitale et sa périphérie en état de choc. Rien n'aurait été fait sans cette aide précieuse - et finalement inattendue - de Hocine Kobbi dit Mossaâb, qui était un membre actif du GIA. Originaire de Gué de Constantine, il a participé à plusieurs attentats terroristes avant de marcher sur une mine dont les éclats l'ont atteint aux yeux. Aveugle, Kobbi traînera avec ses compagnons d'armes de hameau en hameau, et de maquis en maquis. Il finit par atterrir à Alger, après être passé par Bougara et les Eucalyptus. La capitale devait être sa dernière escale: l'émir Abou Tourab avait décidé que «l'aveugle» devrait «finir sa vie en beauté» en perpétrant un spectaculaire attentat-suicide.L'instinct de survie étant plus puissant que les ordres du chef, Kobbi va commencer à louvoyer et tergiverser, jusqu'au jour où il sera mis dans un camion et «acheminé» de force vers La Chiffa pour «s'expliquer» sur ses revirements. En cours de route, à Bouharoun, ses accompagnateurs descendent pour faire des achats, et il en profite pour s'échapper. Des citoyens l'aident à prendre un taxi qui le dépose, une heure plus tard, chez ses parents à Gué de Constantine, qu'il avait quittés en 1994. C'est à partir de là que le travail des services de sécurité va débuter. Les parents de Kobbi commencent par alerter la Bmpj de Oued Smar, laquelle transmet à la hiérarchie de la Dgsn. Une course contre la montre s'engage alors, et aboutit à l'arrestation de 14 des hommes du GIA, dont les plus importants sont Azzoug Mokrane dit Fawzi, responsable du réseau algérois d'aide et de soutien, Bachir Debbah dit Youcef, Mohamed Aouar dit El-Barra, véritable machine à tuer, Djamel Abdelkrim, le jeune garçon d'El-Harrach, affublé aux couleurs du FC Barcelone, et qui semble un enfant jeté tête la première dans un monde dont il n'a rien encore saisi. Au total, ce sont 13 têtes qui tombent. Dans leurs aveux, Azzoug, Aouar et Djamel reviennent sur les derniers attentats perpétrés dans l'Algérois. On apprend ainsi que les actes commis entre novembre 2001 et juillet 2002 ont été le fait de ce groupe. Aouar est revenu sur la façon dont ont été assassinés les deux motards de Dely Ibrahim, les douze habitants de Khraïcia, et les crimes commis à Bou Ismaïl, Bouharoun et la rue Hassiba. Djamel Abdelkrim, pièce maîtresse de l'assassinat perpétré contre les deux Libanais, sociétaires de Djezzy, raconte comment il a su profiter de ses connaissances personnelles au niveau de Oued Romane, près de Draria. Azzoug Mokrane, l'axe central des opérations de transport, de financement et de cache d'armes, revient sur les deux bombes qui ont été déposées à Larbaâ et à Tazmalt. Pour l'émir national, Abou Tourab, il fallait, coûte que coûte, créer des zones de tension et radicaliser encore plus le mouvement kabyle. Originaire de Beni Ourtilène, Azzoug connaît bien le marché de Tazmalt. La bombe a été placée nuitamment, et activée pour exploser le lendemain. Le même procédé a été adopté pour la bombe qui a explosé le 5 juillet à Larbaâ. Selon l'émir national, il fallait profiter des fêtes nationales et religieuses pour commettre des attentats spectaculaires. Le groupe a été démantelé avant de commettre encore des attentats, prévus notamment à Alger et Tizi Ouzou, selon les directives d'Abou Tourab, et de créer une véritable psychose dans et autour de la capitale. Quoi qu'il en soit, beaucoup d'interrogations demeurent en suspens. Beaucoup de zones d'ombre aussi. Et de terroristes aussi. Qui est ce Chemseddine, qui paraît si insaisissable et partout à la fois? Et ce Bechroul Farid, le «Khaled El-Fermache» du GIA, émir de l'Algérois et de la brigade côtière («seriat el bahr»)? Et cet autre Abou Tourab que Ouakali Rachid? Et ce Ouakali Rachid qui recrute et soudoie les jeunes à «coup de foi» ou à coup de millions? Et ce Abdelkader «Rouget» et son ami Kerkar, courent-ils toujours ou ont-ils été arrêtés récemment? En tout cas, la stratégie du GIA reste encore plus importante et plus inquiétante, que les aveux de ce groupe (essentiel, mais non le noyau dur) qui paraît plus comme exécutant que comme un ensemble homogène et autonome. On a entendu Azzoug Mokrane, dit Fawzi, présumé chef du groupe, être un simple exécutant quand il s'agissait d'appliquer des directives et de remplir un contrat. La stratégie du GIA dépasse même, et de beaucoup, les esprits des Abou Tourab et de Bechroul Farid.