Cette région, qui se situe, dans tous les sens du terme, hors du cadre algérois, a vécu esseulée son malheur. Douar Gaïd-Gacem, sept jours de fouilles. Le 4x4 de la police soulève la poussière grise sur le sentier menant au site. La terre éventrée attend de vomir ses morts. L'air est suspendu aux ronronnements des engins de déblayage. Un agent de la Protection civile sort trempé de sueur et de poussière de ce trou qui résiste, se met à l'ombre et se fait remplacer par un collègue. Le fond du puits est étouffant. Qu'y a-t-il au bout de ces «16 m», version officielle? Plus d'une dizaine de corps, selon les révélations d'un aveugle repenti. La suspicion sécuritaire se mêle aux souvenirs populaires d'une zone interdite, d'un coupe-gorge nommé Sidi Moussa et environs. Au douar Gaïd-Gacem, les mottes de terre irradient encore une terreur, des pleurs et des cris, des suppliques et de l'effroi. Un enfant tape des pieds sur un vieux regard pour dire que là un homme se faisait un jour dépecer, et qu'il a vu faire. Autour de lui, on écoute hypnotisé, remué par un enfant qui conte l'horreur. C'était le temps des sanguinaires. Aujourd'hui, cette large et fertile plaine, avec le djbel pour horizon, retrouve une vie après les morts. «Quand je pense que moi et mes enfants buvions de ce puits il n'y a pas si longtemps», lâche éprouvé le chef patriote Bouelam, le regard obstinément plongé dans l'eau jaillissant d'un tuyau mal rafistolé. Pour faciliter le travail des pompiers, on vide le puits de son eau, c'est pratique.