Par deux fois, le vieux lion a pu choisir quand et comment entamer le combat. L'Histoire retiendra qu'Aït Ahmed était la seule personnalité historique qui a appelé à une gouvernance démocratique au lendemain de l'Indépendance. A l'époque, aucun de ses compagnons de la Révolution, ne l'avait écouté. Le temps lui a donné raison. 26 ans après toute l'Algérie est sortie dans la rue pour réclamer son droit dans la parole. L'Histoire retiendra, de lui aussi, qu'au moment où les événements de Kabylie ont éclaté, le vieux lion était le premier à briser le silence pour crier: «Sauvez l'unité de l'Algérie». En l'absence d'écho, la région est otage des spéculations politiques dont les visées frôlent le mur de la division pays. Mais de quelle manière? Par la force et la culture de la casse. Sachant que le pouvoir occulte se singularise par l'art de cloner les révoltes, instrumentalisant les opposants, et même ses partisans en fin de mission. Aït Ahmed a, quant à lui, l'art de choisir les combats et les adversaires. «L'instrumentalisation à outrance des ârchs (...) dont l'émergence spontanée est venue se greffer sur un profond mouvement de dissidence citoyenne pacifique et nationale pour le coiffer, le prendre en main et le pervertir, n'était pas une simple coïncidence», a-t-il indiqué, en évoquant l'éventuelle «tchétchénisation de la Kabylie». C'est toute une vie de militantisme au service exclusif de la patrie qui parle. La patience jusqu'à l'usure de ses détracteurs parfois. L'usure a achevé politiquement, et sans violence, beaucoup d'entre eux. Le voilà en face de jeunes loups dans une arène piégée à la manière des cirques romains. Deux visions différentes, deux projets différents et un seul objectif. Remporter le duel de la manière la plus honorable possible. Le leader du FFS a, dès le début, pris le pas sur ses détracteurs. Il a d'abord choisi le moment où il devait mettre les manipulateurs face à eux-mêmes. C'était le 2 avril 2002 quand le leader de l'opposition a rendu publique une lettre accablant ce qu'est devenu ce mouvement. Pas de réponse. Les dirigeants visés savaient certainement jusqu'où il pouvait aller. La deuxième partie de la bataille politique, c'est encore lui qui a choisi le moment de son déclenchement. A la veille des élections communales dont dépend le calendrier politique même de l'Etat algérien. Mais cette fois-ci personne n'avait vu venir le coup. L'Histoire retiendra que s'il y a une deuxième République en Algérie, elle passera par le mouvement citoyen. C'est ce qui affole justement le pouvoir occulte. D'emblée, le vieux lion affiche la couleur. Pour lui, c'est une guerre contre une manipulation et non pas contre la jeunesse en mal de liberté. C'est peut-être là l'enjeu du combat. Qui gagnera la sympathie de la jeunesse kabyle qui a fait bouger toute une nation au point que le pouvoir occulte qui a pu apprivoiser la révolte d'octobre, s'est retrouvé à court d'idées? C'est une jeunesse dont le seul adversaire est le temps. Elle passe son temps à courir pour réaliser un rêve sans changer de continent. Elle veut tout maintenant, tout de suite, pour la simple raison qu'elle est convaincue que son rêve n'est pas un viol. C'est d'ailleurs un rêve qui dure depuis l'été 63 lorsque, seul contre tous, Aït Ahmed a mis en garde sur ce qui pourrait arriver si l'Algérie tombait dans la pensée unique. Taleb Ibrahimi, qui faisait partie de la rencontre des hommes historiques, en est témoin.