Tout compte fait, peu de choses à relever dans un festival ou seule Zahouania a sauvé la mise. Les travées du théâtre de verdure Hasni-Chakroun continuent, depuis jeudi dernier, d'accueillir une foule que n'ont pas su contenter les quelques dizaines de chanteurs amateurs, appelés en force pour meubler les défections des grosses pointures annoncées. Hormis le passage de cheba Zahouania qui a donné une certaine consistance à la première soirée du festival, aucune des vedettes annoncées, à coups de spots télévisés ou de placards publicitaires, n'est venue. Pour bon nombre d'observateurs de la scène raï, les organisateurs, en voulant faire les choses en grand, se sont «plantés». «Il n'est pas judicieux d'organiser des plateaux composés de Nadia Benyoucef, Sabah Saghira, Soreya Kinane ou Rahal Zoubir avec Abdou, Kheïra, Houari dauphin ou cheb Gourda», dira un éditeur de cassettes bien connu sur la place d'Oran. Le même son de cloche est entendu un peu partout, tous reprochentau commissariat du 11e centenaire sa volonté de «parasiter» le traditionnel festival de raï qu'avait l'habitude d'organiser l'Apico. Les familles, obligées de s'acquitter d'un droit d'entrée sont mécontentes du manque d'organisation ou de l'absence de commodités. «Imaginez-vous, un théâtre comme celui-ci ouvre chaque soir ses portes à des centaines de spectateurs sans que ces derniers puissent disposer des toilettes ou d'eau pour les petits besoins», dira un père de famille rencontré sur les lieux. Si pour cette fois, le problème de la sonorisation ne s'est pas posé, en revanche pour cette année, l'Acvo a eu nombre de reproches concernant le plateau artistique. Des noms «inconnus» sur la place publique ont été appelés en renforts, Abdou, Nedjma (appelée cheikha qanat bliss), Djenia, Allia ou encore Kheïra ne font plus recette. La déferlante qui les avait propulsés un jour à la tête des affiches n'est plus qu'un souvenir du passé. L'air aujourd'hui est aux voix samplées, retravaillées et le succès de Djenet en est le parfait exemple. Les mots, à la limite osés et qui avaient fait le succès de certains il y a quelques années, ont disparu et remplacés par une nouvelle orientation du style raï qui explique aujourd'hui le domaine vocal à coups d'appareils haut de gamme. Hocine et Abelkader Kazi Tani, les animateurs, ont beau puiser dans le parcours de chaque chanteur pour tenter de le présenter, mais sans conviction auprès du public habitué aujourd'hui à de nouvelles sonorités, un nouveau discours et même un nouveau vocabulaire. Cheikh Senhadji, un ténor de la chanson oranaise, ou encore le poète Mekki Nouna paraissaient perdus au milieu d'une foule de chebs et chebbate qui n'a rien de commun avec eux. S'ils sont connus à Oran pour leur style purement oranais, les jeunes d'aujourd'hui ont emprunté d'autres voies, d'autres styles de musique. Même le raï ne pourra pas résister à la nouvelle vague qui, elle, se dope de rap et de rn'b. Les nombreux spectateurs rencontrés au cours des soirées, ont émis le voeu que l'Apico profite des erreurs de l'Acvo pour réussir son festival. «Nasro avait l'habitude de faire mieux et, cette année, il doit mettre les bouchées doubles pour prouver à ses détracteurs que la chanson oranaise et le raï, il en connaît un bout», dira un chanteur qui faisait les beaux jours d'un cabaret, de la corniche oranaise aujourd'hui fermé.