Trop de facteurs ont favorisé la montée en puissance de ce fléau du troisième millénaire. Le phénomène est universel. L'Algérie n'échappe pas à la règle. Le passage d'une économie dirigée à celle de marché s'accompagne systématiquement par l'émergence d'une puissante mafia politico-financière. Les exemples, de par le monde, sont légion. Pour son malheur, sans doute, notre pays a accumulé un nombre effrayant de facteurs qui ont, tous, oeuvré à favoriser la montée en puissance de ce véritable fléau du troisième millénaire. Un climat de violence aigu a, de ce fait, caractérisé le pays dès le début de la décennie précédente. Un climat qui a favorisé grandement la naissance, puis l'installation, dans le temps, de cette mafia fort bien structurée, dont les tentacules n'ont épargné aucun secteur d'activité en Algérie. Une collusion avérée a même été établie entre les groupes terroristes et cette mafia. Des échanges de bons procédés ont ainsi permis l'élimination de nombreuses personnalités jugées gênantes. Si tous les crimes commis en Algérie depuis 92 ont été systématiquement attribués au terrorisme, bien malin serait celui qui pourrait dire de quel type de terrorisme il s'agit. Ce n'est pas tout. La précarité des institutions étatiques, en quête constante de légitimité, a fait que bien souvent les réseaux mafieux arrivés, d'une manière ou d'une autre, aux plus hautes cimes de l'Etat, se substituaient à ce dernier. C'est, du reste, ce triste phénomène qui explique bon nombre de décisions allant à l'encontre des intérêts de la nation, et servant exclusivement un clan ou un autre du système. Cette montée en puissance, comme l'ont reconnu des discours officiels développés jusqu'aux plus hauts sommets de l'Etat, a été favorisée par les phénomènes de régionalisme, de népotisme et de passe-droits. Un véritable Etat dans un Etat a fini par se faire jour. Tout le monde en parle, le qualifie de mafia politico-financière, sans jamais mettre de figures sur les grands dirigeants de cette organisation tout aussi tentaculaire que puissante. Outre toutes les armes non déclarées qui circulent entre les mains des bandits et des terroristes, pas moins d'un million d'armes de poing sont également en circulation chez de simples civils. Le terrorisme a causé une sorte de «surmilitarisation» du pays au point qu'il n'est plus rare de voir de simples conflits domestiques se régler dans le sang une fois que la poudre a fini de parler. Que dire alors des conflits opposant des cercles mafieux et impliquant des sommes qu'un citoyen moyen peut à peine imaginer. Ajouter à cela la misère qui a pris une ampleur alarmante. Une misère telle qu'aussi bien la mafia, que les terroristes, peuvent se permettre des «porte-flingues» aussi nombreux que nécessaires, et prêts à tout pour une bouchée de pain. A tous ces facteurs, pour le moins préoccupants, s'ajoute la corruption qui n'épargne, elle non plus, presque aucun secteur, alors que la justice, en attendant la grande réforme promise par Bouteflika, continue à battre de l'aile et à être, bien souvent, appliquée à deux vitesses, suivant la tête et la lourdeur de la bourse du client. S'il a fallu plus de dix années aux autorités pour réduire l'intensité du terrorisme en attendant d'en venir définitivement à bout, il faudra sans doute deux ou trois fois plus de temps pour mettre à bas cette mafia. Ce qui n'est même pas évident, en fin de compte, puisque tous les pays qui nous ont précédés sur cette chaussée glissante ont fini par s'accommoder de ce fléau, oeuvrant juste à en réduire le pouvoir de nuisance en attendant d'hypothétiques jours meilleurs.