Le maire de la cité phocéenne a qualifié de «déferlante de musulmans» la manifestation des supporters algériens le 18 novembre 2009. Décidément, le débat sur l'identité nationale ressemble de plus en plus à de la figue de Barbarie: qui s'y frotte s'y pique. Et en règle générale, les prises sont plutôt conséquentes. Il n'y a que du gros poisson dans les mailles de son filet. Après le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux et la secrétaire d'Etat à la Famille, Nadine Morano, cette fois-ci c'est au tour du premier magistrat de la ville, cosmopolite, de Marseille d'en faire les frais. Comment cela s'est-il passé? Vendredi, lors d'une réunion organisée par son parti, l'UMP, dans les salons d'honneur du stade Vélodrome autour du débat sur l'identité nationale, et auquel a pris part Eric Besson, le ministre de l'Immigration, le vice-président du Sénat est revenu sur les événements qui ont émaillé la manifestation de joie, sur la Canebière, des supporters de l'équipe d'Algérie après sa qualification pour la Coupe du monde de football 2010. «Nous nous réjouissons que les musulmans soient heureux du match, sauf que quand après ils déferlent à 15.000 ou à 20.000 sur la Canebière, il n'y a que le drapeau algérien et il n'y a pas le drapeau français, cela ne nous plaît pas», a déclaré devant une assistance médusée, Jean-Claude Gaudin. Le débat sur l'identité nationale voulu par le président de la République française et porté à bout de bras, malgré sa grande controverse, par le ministre de l'Immigration, a débordé et stigmatisé les immigrés en général et la communauté musulmane en particulier. Il est devenu, par la force des choses, d'une extrême sensibilité. Les réactions sont vives et à fleur de peau. Les musulmans se sentent offensés. Agressés. Humiliés. Un militant, de la même formation politique (UMP) que le sénateur des Bouches- du- Rhône, d'origine algérienne, a été visiblement très affecté par les propos tenus par ce dernier. «Je compromets peut-être mon avenir politique en vous le disant publiquement, mais vous m'avez blessé, ma famille et les 200.000 musulmans qui vivent à Marseille. J'espère vraiment que ce n'est qu'un dérapage», a-t-il souligné en s'adressant directement au maire de la cité phocéenne. Une seconde intervenante, professeur d'histoire-géographie, a été plus claire dans sa condamnation de ces nouveaux dérapages verbaux à consonance raciste, qui émanent principalement du camp de la majorité présidentielle. «J'ai été vraiment heurtée par les propos que je cite: il a dit à propos de la célébration de la victoire algérienne, 15 à 20.000 ont déferlé dans les rues de Marseille. En tant qu'enseignante, ce langage me rappelle la période coloniale. Il s'agissait de 15 à 20.000 Franco-Algériens, pas de musulmans», a-t-elle tenu à préciser. Jean-Claude Gaudin qui a essayé de se rattraper a fini par s'emporter. «Je fais tout pour que la ville soit unie et soudée et je n'accepte pas ce genre de propos... Allez, terminé!», a-t-il fini par lâcher. Ce qui n'a point convaincu grand monde, surtout du côté de ses adversaires politiques opposants farouches au débat sur l'identité nationale. «C'est une déclaration terrifiante, j'ai de la considération pour Jean-Claude Gaudin et je pense justement que ces propos, qui sont inqualifiables, sont le fruit du débat sur l'identité nationale. Que le maire de Marseille, vice-président du Sénat, soit amené à dire une chose comme ça, c'est proprement stupéfiant. Ce dérapage verbal est la conséquence même du débat nauséabond que nous a imposé le ministre de l'Immigration», a fait remarquer, dans une déclaration sans concession, le patron du groupe socialiste de la mairie de Marseille, Patrick Mennuci. L'UMP dont la déroute est annoncée à l'occasion des prochaines élections régionales qui auront lieu au mois de mars prochain, veut ratisser large et siphonner l'électorat d'extrême droite ultrasensible au thème de l'immigration. Elle maintient dans cet objectif, coûte que coûte son support qui est le débat sur l'identité nationale, qui ne semble plus passionner grand monde même au sein de ses rangs. Le rendez-vous électoral des 14 et 21 mars se jouera sur d'autres terrains: ceux de la préservation de l'emploi, de l'outil de travail et du pouvoir d'achat. Les Français, en se déclarant favorables au vote des étrangers pour les élections locales à 55%, selon un récent sondage CSA pour Le Parisien, viennent d'envoyer un signal fort à Nicolas Sarkozy et aux tenants du débat sur l'identité nationale. Le chef de l'Etat français et son ministre de l'Immigration sont dans l'obligation de prendre le train en marche mais...il semble qu'il est déjà trop tard.