L'agression massive de l'armée israélienne contre la bande de Ghaza l'hiver dernier a marqué un tournant décisif dans les relations bilatérales, Contrats d'armements et manoeuvres militaires conjointes ont été au coeur d'échanges intenses entre la Turquie et Israël, jusqu'à ce que ces liens se distendent, Ankara reprochant aujourd'hui à l'Etat hébreu de ne pas faire assez d'efforts pour la paix au Proche-Orient. Témoin de cette coopération militaire: le ministre israélien de la Défense Ehud Barak a effectué une visite à Ankara hier, refusant d'annuler son voyage en dépit d'un incident diplomatique entre les deux pays, en début de semaine, à propos d'une série télévisée turque jugée antisémite par Israël. Un accord de coopération militaire, signé par les deux pays en 1996 au grand dam des pays arabes et de l'Iran, a donné le coup d'envoi de ce qui a été qualifié de «partenariat stratégique», et a vu Israël rafler des ventes d'armes et des contrats de maintenance des matériels turcs. Des entreprises israéliennes ont été chargées de la modernisation d'une centaine de chasseurs F-4 et F-5 turcs, pour environ 700 millions de dollars, et ont vendu à la Turquie des missiles et des équipements électroniques. En 2002, les Industries militaires israéliennes ont remporté un contrat de 668 millions de dollars pour l'amélioration de 170 chars M60, dont la livraison doit s'achever en février, selon l'agence des industries de défense turque. Un autre contrat, de 183 millions de dollars, porte sur la livraison de 10 drones et d'équipements de surveillance, dans le cadre d'une collaboration menée par Israël Aerospace Industries. Le projet, lancé en 2005, a connu des retards, pour des raisons tant techniques que politiques, mais serait sur le point d'aboutir. D'autres contrats ont été signés dans la discrétion, et des experts dans le domaine estiment que pour la seule année 2007, les contrats d'armes ont représenté 69% des 2,6 milliards de dollars d'échanges commerciaux. La Turquie a pour sa part offert à l'aviation israélienne, qui évolue sur un territoire réduit, de s'entraîner sur le vaste plateau anatolien, dans le cadre de manoeuvres conjointes. Les deux marines ont également mené des exercices conjoints. La Turquie, pays presque musulman, aurait également autorisé Israël à avoir accès à ses radars, pour surveiller l'Iran et l'Irak, et des échanges d'expertises ont eu lieu sur la protection contre les armes chimiques. En 1999, l'armée israélienne a été en première ligne pour aider les victimes des tremblements de terre dans le nord-ouest de la Turquie, et un ensemble de maisons préfabriquées a été baptisé le «village israélien». Les échanges purement économiques et culturels se sont multipliés, et les deux pays ont envisagé la livraison d'eau, du sud de la Turquie vers Israël, projet abandonné en 2006 pour son coût exorbitant. Le premier signe de refroidissement est venu en 2002 lorsque le Premier ministre turc d'alors, Bülent Ecevit, a qualifié une vaste opération militaire israélienne en territoire palestinien de «génocide». Mais la tension est retombée rapidement. L'agression massive de l'armée israélienne conte la bande de Ghaza l'hiver dernier a marqué un tournant décisif dans les relations bilatérales, le gouvernement d'Ankara critiquant presque quotidiennement Israël pour son attitude vis-à-vis des Palestiniens. Et les liens de plus en plus étroits entre la Turquie d'une part et la Syrie et l'Iran d'autre part, n'ont rien arrangé.