Le cap des 1000 personnes assassinées depuis le début de l'année a été dépassé. C'est la pire année depuis 1999. L'horreur mécanique a redémarrée. Après une période d'accalmie caractérisée par l'effacement de la violence, voilà qu'une nouvelle tuerie vient nous rappeler que les GIA sont encore là. Avant-hier, peu avant minuit, un groupe armé, dont le nombre devait être assez élevé pour permettre un grand carnage, a investi le hameau dit Bokaât Laâkakcha, situé dans la commune de Harchoune, au sud-ouest de la wilaya de Chlef. Ce hameau, comme tant d'autres dans le sud de Chlef, au piémont des montagnes rocailleuses de l'Ouarsenis, est un petit ensemble d'habitations complètement oublié, et hors normes, quoique situé à moins de cinq kilomètres des premières villes Sendjas, Karimia, etc. Vingt-six personnes, soit la majorité de cinq familles entières, habitant un hameau isolé dans la région de Karimia, ont été passées à la lame du couteau. Maison après maison, les terroristes ont tout bloqué, tout neutralisé, avant de commencer la «grande boucherie». Les portes des maisons sont défoncées et deux ou trois terroristes entament leur carnage. Afin d'éviter la fuite, on procède au massacre simultané de ces familles. La famille Guenfoud perd la totalité des siens, soit neuf personnes qui ont été impitoyablement égorgées, Mohamed, le père, Kouadri Habbar, sa femme, puis les enfants: Hafidha, (18 ans), sa jumelle Fadhila, Fatiha (16), Khadidja (11), Hamina (8), Khaled (6), Hadj le cadet (3). La famille Ouared perd une femme, une jeune fille de 27 ans, et une fille de 12 ans. La famille Ghani perd deux enfants, elle aussi, Hassan, (12 ans), et Kouider (17). La famille Brahimi, perd six des siens : le père Abdelkader, les enfants, Mehdi (27 ans), Azzouz (22), Yacout (15), Hakim et Tassadit, tous deux âgés de moins de dix ans. Enfin, la famille Rabhi subit la deuxième plus grande perte, après les Guenfoud, avec, huit personnes assassinées, dont le père El-Hadj (55 ans), la mère Bakhta, âgée de 36 ans, les enfants, Bakhta (18), Yamma, Ahmed (13), Laïd (9) et les deux tantes Fatima (25) et Kheïra (30). C'est pratiquement le pire carnage qu'a connu Chlef depuis le début de l'année. Même l'horible tuerie de Sendjas, le 29 mai dernier, avec vingt-trois personnes assassinées, n'a pas été aussi inquiétante. Car si pour celui-ci les armes automatiques ont été jointes à l'arme blanche pour «aller plus vite en besogne», cette fois, le groupe terroriste a vraisemblablement pris tout son temps pour «marquer son passage» et transmettre un message clair. Hautement politique, ce nouveau carnage l'est foncièrement. D'abord, il intervient au lendemain du démantèlement du réseau urbain de l'Algérois, ce qui avait poussé certains responsables à suggérer un peu trop hâtivement que les groupes armés étaient presque décapités. Ensuite, il intervient dans un contexte politique marqué par l'effervescence de l'approche des échéances électorales du 10 octobre prochain. Et il est de notoriété de voir les groupes armés intensifier les actes de terrorisme à chaque fois que des élections pointent à l'horizon. Les messages qui sont à comprendre restent à décrypter. La région de Chlef reste un des plus importants bastions du GIA, avec Tiaret, Aïn Defla, lesquels forment avec Blida et Médéa ce qui est communément qualifié de «triangle de la mort». C'est dans cet espace que les groupes armés restent particulièrement dangereux et actifs. Avec le risque - très élevé - de voir la violence se déplacer de la périphérie aux centres urbains. Les nouvelles têtes qui vont remplacer le réseau démantelé récemment, à la suite des révélations d'un ancien activiste du GIA, Hocine Kobbi, tentent de confirmer leurs aptitudes et de s'affirmer dans les faits par la violence.