L'été et les vacances ont finalement repris droit de cité à Béjaïa. Les deux derniers mois ont, certes, enregistré un net fléchissement dans l'affluence des vacanciers, mais depuis quelques jours, les plages de Béjaïa ne désemplissent plus. Parfois, des estivants venus de loin (Sétif, Constantine, Batna, etc) se hasardent même à passer un week-end ou quelques jours dans les différents complexes de la côte. Bien sûr, beaucoup de choses ont changé depuis le printemps noir. Les stigmates des événements sont encore frais et visibles dans certaines localités (Tichy, Aokas, Souk El-Tenine) des magasins portent encore les traces du feu, le désensablement des plages fait ravage et de véritables cratères sont là pour le rappeler. Et si les gens ont repris leurs habitudes, en ce qui concerne les sorties nocturnes et les longues randonnées côtières, une tension semble persister quandmême dans l'atmosphère. Loin d'oublier, les gens de ces régions parlent encore sous l'arbre à palabres, des incidents qu'a connus Béjaïa. Des commerçants révoltés par des chiffres d'affaires dérisoires, espèrent pouvoir reprendre pied ce mois d'août, et s'entêtent même à répéter que malgré tout, les meilleures recettes sont enregistrées en été. A la plage de Tichy, une ambiance des plus joyeuses règne en ce moment. Jeunes, moins jeunes, émigrés, visiteurs, tout ce monde se côtoie l'espace d'une journée ou d'un week-end. Des familles entières louent des fourgons de transport en commun pour s'évader. Des dizaines de fourgons sont réservés des jours à l'avance, et des dizaines de familles sollicitent leurs services pour «l'aller-retour» quotidien. Une nouveauté dans les moeurs des Béjaouis qui semblent avoir la préférence pour ce moyen économique et efficace. Ces derniers jours aussi, l'abondance des fruits et légumes a fait plus ou moins baisser les prix et ce n'est pas sans plaisir que les estivants ont goûté aux premières figues de la saison. Au marché comme en ville, ce fruit demeure à la portée de toutes les bourses. Une famille sétifienne rencontrée au bord de la mer, nous parlera de sa satisfaction quant au retour du calme dans la région. «L'année dernière, nous étions dans l'obligation de changer de cap. Nous avons opté pour Skikda. Mais cette année, nous sommes revenus à Béjaïa, où nous sommes habitués à passer nos vacances. La région nous séduit de plus en plus et puis, la générosité des Béjaouis n'est pas pour nous laisser indifférents». «Hamdoulillah, cette année, après moult hésitations, nous avons pu quand-même fouler le sable de Béjaïa, alors que les échos qui nous parvenaient auraient découragé les plus hardis. Finalement, Béjaïa est toujours égale à elle-même: belle, altière, et accueillante. Nous sommes très contents d'être venus.» Un peu plus loin, des enfants jouent au ballon, tandis que deux adolescents, torse nu, entament une partie de scrabble. Heureux qui comme eux, est indifférent aux problèmes de ce bas monde. Un père de famille apprenait à nager à sa petite fille et un vendeur de cigarettes installé sous son parasol, proposait des briquets «made in». La musique qui s'échappait d'un transistor emplissait l'atmosphère, de chaâbi...le refrain séculaire de toute une génération. En maillot ou en bermuda, des jeunes filles, bronzées à souhait, traversent la plage en rigolant cornets et esquimaux à la main, elles semblent heureuses d'être là. Nadjia vient de décrocher son bac et Souad une licence en écologie, Rabia, la plus jeune est au CFPA, tandis que Naïma sa soeur, est enseignante. «C'est pour me récompenser que mon père me paye des vacances à Béjaïa», nous dira Nadjia, qui poursuivra: «Au début, on entendait toute sorte de choses sur cette ville, et j'avais peur de gâcher mes vacances, mais aujourd'hui, je ne regrette vraiment pas d'être là, nous passons vraiment d'agréables moments mes amis et moi». Vigilants. Plus que jamais vigilants, des agents de la Protection civile sont placés un peu partout à travers la plage. Les maîtres-nageurs font les cent pas au bord de la mer et donnent un coup de sifflet au moindre «faux pas» des nageurs. La quiétude règne enfin sur nos plages. Dans ce calme, les gens semblent reposés et sereins. Le rire des enfants, conjugué à l'air marin et à l'odeur iodée de la grande bleue, vous donnent vraiment envie de piquer une tête dans l'eau. Apparemment, cette année, nous irons tous à la plage.