Depuis l'apparition d'Al Qaîda en Afghanistan en 1990, aucun chef de cette organisation n'a osé s'opposer à son leader charismatique, Oussama Ben Laden ou même le contredire. Même quand ce dernier s'est réfugié un certain temps au Soudan son emprise sur les «afghans arabes» -soit sur beaucoup d'Algériens- n'a jamais été remise en cause. C'est pourquoi, il est aujourd'hui surprenant d'entendre un certain Abou Yahia Al-Libi (le libyen) prendre à revers le dernier message «non encore authentifié» de Ben Laden. La mise sur orbite de cet Abou Yahia, présumé chargé de la communication à Al Qaîda un 11 septembre, a de quoi susciter de nombreuses interrogations, dans la mesure où durant des années aucun libyen d'origine n'a pu gravir les échelons pour se retrouver à ce niveau de la responsabilité au sein de la nébuleuse islamiste internationale. De tout temps, Oussama Ben Laden était entouré d'arabes originaires du Golfe, (khalidji) d'Egypte ou du Maghreb. Depuis l'invasion de l'Afghanistan et le passage à la clandestinité de Ben Laden, c'est le médecin d'origine égyptienne, Ayman Al Zawahiri, qui s'est distingué par ses discours médiatisés par la chaîne Al Jazeera. Aujourd'hui, peu de sources sécuritaires sont affirmatives quant au sort de Ben Laden et Al Zawahiri, ce dernier restant silencieux depuis plusieurs mois. Et il semblerait que pour le moment, selon des sources sécuritaires chargées du renseignement, il ne serait pas «opportun de dire la vérité» à l'opinion publique internationale, peu importe le discours prôné par Abou Yahia Al-Libi. La nébuleuse islamique a toujours traité les pouvoirs arabes d'apostats et les oulémas de déviationnistes. En Arabie Saoudite, au Yémen ou en Algérie, le discours extrémiste a fait des ravages. Et ce n'est certainement pas la sortie de ce «libyen» qui va apporter du nouveau. Ceux qui l'ont mis au-devant de la scène répondent plutôt à une stratégie médiatique qui vise à faire installer le doute au sein de l'opinion publique musulmane à la veille du mois sacré du Ramadhan. Cette stratégie, qui utilise sciemment l'amalgame entre la lutte héroïque du peuple palestinien et la psychose qu'on veut imposer au peuple algérien, est inquiétante. Est-ce un hasard que l'identité «libyenne» de cet Abou Yahia est ainsi mise en exergue? Est-ce un hasard si les ulémas, dont la qualité est reconnue, soient violemment pris à partie et traités comme des «collaborateurs»? Al Qaradaoui, qui est une valeur sûre de l'Islam, est visé en premier lieu, après avoir bénéficié du soutien personnel de Bouteflika et des services médicaux de de notre pays. L'Algérie est citée au moment où son peuple fait face, une nouvelle fois, à un véritable «complot». L'épisode Abou Yahia Al-Libi coïncide avec le «deal» qui aurait été conclu entre Américains et Iraniens pour le contrôle de l'Irak, la situation de crise à Ghaza, le blocage politique en Egypte, la déprime électorale au Maroc et la recrudescence des actes terroristes en Algérie. Le «nouveau Moyen-Orient» est-il en marche? La carte du monde musulman et arabe est-elle en train d'être redessinée? Il est toutefois curieux que ce «Libyen» n'ait pas évoqué nommément le Gspc de Droukdel. Encore une zone d'ombre autour du ralliement de ce groupuscule à Al Qaîda.