«La liberté d'expression est en net recul», c'est ce qui ressort, notamment de cette étude faite courant 2009 sur les médias en Algérie. La fondation Friedrich Ebert a abrité hier une rencontre organisée par le Goethe Institut, autour de la présentation du rapport African media barometer. Intitulée, «Les médias dans un monde globalisé: le cas algériens», il s'agit d'une étude faite par un panel exclusivement algérien composé par 50% de spécialistes des médias et 50% représentant la société civile. Le groupe, encadré par un consultant international, M.Brahima Sané, a débattu sur un bon nombre de secteurs relatifs aux médias en établissant un diagnostic clair et précis. «Mon rôle a été de mettre en application la méthodologie de la fondation Friedrich Ebert. Chaque panéliste a été amené en outre à donner une note aux indicateurs. On reviendra dans 2 ans pour voir si la moyenne de l'indicateur a changé. Cette étude a été faite de façon participative en excluant un officiel de parti ou une personne du gouvernement». Parmi ces indicateurs, on citera la liberté d'expression, y compris la liberté des médias, la régulation de la communication audiovisuelle, les normes professionnelles de ces médias. Plusieurs panélistes ont pris part à cette rencontre, hier, dont le modérateur en question est l'ancien directeur de la Télévision algérienne, M.Abdou B., qui n'a pas hésité à tirer à boulets rouges sur l'incohérence de la gestion de la Télévision algérienne notamment et la presse écrite en Algérie, dite, selon lui «privée» et non indépendante. Il estimera «effarant» le nombre élevé de quotidiens nationaux en Algérie, tout en dénonçant le «ton uniforme et discours unique» qui donne, selon lui, la «part belle à la majorité présidentielle tout en ignorant l'opposition, surtout au niveau de la télé algérienne». Aussi, il réfutera l'existence de plusieurs chaînes télé en Algérie. «Le point positif de la presse privée est qu'il existe différents avis», mais celle-ci est aussi tributaire, estime M.Abdou B. de trois facteurs, à savoir «qui paye, qui imprime et qui diffuse?». «Ce sont ces trois bras armés qui font la qualité d'un journal. Certains sont devenus des entreprises florissantes qui se permettent d'imprimer et même de diffuser. Il y a aussi des journaux endettés dont on a même fait état au niveau de la presse.» M.Abdou B. relèvera sans la nommer, la régression et décadence de la presse algérienne sur plusieurs niveaux, a fortiori avec la disparition effective du syndicat des journalistes au profit de la force du pouvoir politique et financier, autrement dit la puissance d'argent. Une «dérive» selon lui qui fait qu'un journal aujourd'hui n'est plus géré par un journaliste mais par un important homme d'affaires, autrement «par des détenteurs d'argent ou de pouvoir». S'agissant de l'ouverture du champ médiatique, M.Abdou B. dira être complètement pour, ainsi que pour la naissance des radios et télés privées dans le respect des cahiers des charges avec la présence comme il se doit et, est courant dans tout pays démocratique qui se respecte, d'une structure de régulation. Chose qui manque en Algérie. Mieux, celle-ci a existé, fait -il remarquer, du temps de la loi d'avril 1990. «C'est à cette structure de régulation qu'il faut aller se plaindre si dépassement il y a.Or celle -ci n'existe plus. Une télé doit aussi avoir un casier judiciaire. Il faut qu'il y ait cette structure même sans chaînes de concurrence, ou chaînes privées. C'est nécessaire.» S'agissant des normes professionnelles dans la presse écrite, l'ancien directeur de la Télévision algérienne dira que si celles-si étaient bien respectées il y aurait plus d'éthique professionnelle et ni les forces politiques, ni les citoyens ne feront appel à la justice. Il souligna aussi le retard aberrant dans l'élaboration d' un Code déontologique de l'information en se demandant à qui profite ce retard. «Les forces politiques, les puissances d'argent, les éditeurs ou patrons de journaux, peut-être?». Aussi, on estime par ailleurs que l'Algérie a le taux de pénétration d'Internet le plus faible. M.Abdou B. s'interrogea d'autre part sur le bien-fondé d'une annonce portant sur la création d'une chaîne sportive avant la Coupe du monde sachant que les droits de diffusion des matchs de foot ont été depuis longtemps achetés par d'autres chaînes. Le conférencier est revenu sur la notion de pluralité des chaînes télé en remettant en cause leur légitimité en tant que chaînes indépendantes. Aussi dénoncera-t-il ce fait: «Nous sommes le seul pays au monde à qui on demande à des citoyens de payer pour voir une chaîne publique comme Canal Algérie, laquelle est financée par le contribuable..» Aussi évoquant l'introduction de la TNT en Algérie, Abdou B. se demandera quelles sont les chaines (nombre de signaux) que nous allons compresser en l'absence de véritables chaînes télés en Algérie? «Qui peut me dire qui regarde la A3?» S‘agissant de l'impact des médias algériens sur le comportement social des citoyens, M.Abdou B. dira que seuls les médias lourds peuvent jouer un rôle et encore, limité. Il soulignera aussi le paradoxe qui existe dans le paysage algérien quant à l'absence «véridique de liberté d'expression» en Algérie laquelle est jugée par le panel «en net recul» par rapport aux années précédentes. «Je veux aussi comprendre la raison qui pousse le pouvoir financier à soutenir par la pub, des journaux à faible tirage. Pourquoi un tel gaspillage d'argent?» En somme, que de dérèglements soulignés et d'aspects négatifs ont été relevés au cours de cette matinée. Algérie. Triste constat..