Après les événements tragiques du 11 septembre, les Américains obtiennent le droit de la légitime défense, ce que l'ONU semble nier aux Palestiniens. Le livre, intitulé L'ONU, après la guerre froide, l'impératif de réforme (*) de Abdennour Benantar, essaie d'analyser, d'expliquer et de commenter avec beaucoup de pédagogie le détestable imbroglio politique qui prend à la gorge la vénérable Organisation des Nations Unies. Mais celle-ci semble se comporter comme une douairière, mal assurée, victime, à la fois de ses propres richesses de coeur et de l'imperfection de sa personnalité trop souvent encline aux compromissions. Pourtant, dans la grande salle de l'Assemblée des Nations Unies, s'élèvent contre ce comportement, des voix fortes et claires, et quelles voix! Ce sont celles nées des révolutions et des luttes armées de libération, celles que les grandes puissances nomment petits Etats ou encore par condescendance Etats faibles. La réalité des Nations Unies, sa consistance, sa solvabilité même, se trouvent hypothéquées par l'attitude des Etats-Unis. «Comment les Etats-Unis conçoivent-ils leur relation avec les Nations Unies?» telle est la question posée à juste raison par Abdennour Benantar dans son livre. La réponse, notre auteur la trouve dans les propos d'Anthony Lake, conseiller de Bill Clinton pour la sécurité qui déclare en septembre 1993 que «seuls les intérêts de l'Amérique» préoccupent Washington. Autrement dit, reprenant les termes plus explicites de Madeleine Albright, alors représentante de son pays à l'Organisation mondiale, pour elle, écrit Benantar, «un partenariat entre l'Amérique et l'ONU est envisageable» et la citant, d'après G. Salamé (in La crise du Golfe): «en particulier lorsque des circonstances surviennent où il y a une menace sur la paix internationale qui pourrait nous affecter, mais qui ne représente pas de danger immédiat pour nos citoyens ou notre territoire, il sera dans notre intérêt de procéder en partenariat avec» (Comprendre l'ONU) Madeleine Albright déclare en outre sans rire, mais avec front: «Les Nations Unies nous fournissent des occasions pour l'action militaire, diplomatique ou politique qu'on n'aurait pas autrement eues. Elles nous permettent d'influencer les événements sans en assurer pour autant tout le poids des coûts et des risques. Et elles accordent la force du droit et de l'opinion publique à des opérations que nous soutenons.» Notre auteur conclut longuement comme il se doit: «Ainsi le mandat des Nations Unies se transforme en une simple procédure complémentaire du dispositif juridique du droit américain. Ainsi, le mandat des Nations Unies se transforme en une seule procédure unilatérale, devient une opération menée par une coalition internationale, par le biais du Conseil de sécurité. Mais force est de constater que ce raisonnement peut être retourné, dans la mesure où jusqu'à présent (depuis la fin de la guerre froide), les Etats-Unis sont intervenus là (ils avaient des intérêts certes) où on a sollicité leur aide. Comme on l'a souligné plus haut, on ne peut pas demander l'intervention américaine et en même temps la dénoncer.» Tout le livre de Abdennour Benantar essaie de démontrer de quelle qualité est le subterfuge américain dans le nouvel ordre mondial, à commencer par «la nouvelle ère de sécurité et de paix au centre de laquelle se trouverait l'Organisation des Nations Unies (lors de la crise du Golfe en 1990-91 et dont George Bush s'est fait le héraut).» Il en fait l'historique en rappelant les différentes «phases», comme un plan d'attaque réfléchi de longue date et soigné. Pour l'auteur, la guerre du Golfe accélère le déclin de l'ONU qui n'a pas su poursuivre sa rénovation à la faveur d'événements importants qui ont secoué tant de pays, tant de nations membres à part entière de l'ONU dont la direction effective, chaque jour vérifiée, est abandonnée au seul gendarme du monde: les Etats-Unis. On a même constaté que les autres grandes puissances ont malgré tout adhéré, en bien des opérations militaires, à la logique de guerre des Etats-Unis, à laquelle, il faut le signaler, s'est opposée la logique de paix de la France. Cette façon de voir les choses, cette façon «des Américains de défendre leurs intérêts» occupe un grand chapitre de l'ouvrage de Benantar. Notons également la qualité d'exposition, d'expression et d'analyse offerte aux lecteurs dans les autres chapitres. Et tout particulièrement cette réflexion de l'auteur, qui est docteur en sciences politiques, et partagée, sans aucun doute, par les hommes justes, les hommes de bonne volonté: «Or, l'ONU qui reconnaît ce droit (de la légitime défense) aux Américains semble le nier aux Palestiniens dont la résistance à l'occupation israélienne est assimilée au terrorisme se faisant ainsi porte-drapeau des thèses israéliennes. Alors la résistance à l'occupation devient un acte terroriste. Se réjouissant de cette régression du droit international, les Etats-Unis ont considéré en novembre 2001 qu'Israël avait le droit de se défendre et que ses actions contre les Palestiniens relevaient de la légitime défense. C'est une remise en cause du droit international. Il s'agit là d'une humanité à la carte; les victimes américaines et israéliennes sont-elles supérieures aux victimes palestiniennes? Lorsque morts il y a aux Etats-Unis ou en Israël, ils sont des victimes du terrorisme, mais lorsque morts il y a en Palestine ou même en Afghanistan, ils sont de simples bavures et dommages collatéraux!» Mais aux gens incorrigibles, comme dirait quelqu'un un peu maboul sur les bords, saurait-on faire apprendre que toute mort ne ramène personne à la vie, sauf si l'on a du mépris pour la vie ; alors on tue! Et cela est pire qu'un péché...