Le villageois des temps modernes vit comme un citadin sans pour autant bénéficier des mêmes moyens. A Béjaïa, le monde rural est dans tous ses états. Certes, la situation ne diffère pas trop de celle des autres wilayas, mais il faut tout de même souligner que les actions de protestation, qui voient le jour dans la région de Basse Kabylie, en sont un témoin qui ne trompe pas sur la dégradation du cadre de vie dans les communes. Ceux qui peuvent partir, l'ont fait. Ceux qui n'en ont pas les moyens se battent comme ils peuvent pour alerter les autorités sur leur sort. Le village kabyle n'est plus ce qu'il était: un endroit de rêve où il fait bon vivre en communauté en harmonie dans une nature luxuriante. Depuis toujours, les zones rurales sont restées à la traîne comparées au développement urbain. Bien que les pouvoirs publics aient mis en place des programmes pour atténuer les insuffisances, force est de constater que l'action locale ne suit pas. Les routes sont toujours dans un état de dégradation avancée. L'eau potable manque cruellement et le gaz de ville relève de l'utopie. Mais il faut reconnaître aussi qu'aujourd'hui, la mentalité du villageois a changé: il ne travaille plus sa terre. Il se contente d'un salaire et des courses au marché. Il s'est métamorphosé sans prendre soin de garder l'essentiel qui fait le charme d'une vie de campagne. Le villageois des temps moderne vit comme un citadin sans bénéficier des mêmes moyens. Aujourd'hui, le villageois ne travaille plus. Il réclame. Il veut avoir sa part des bénéfices. Vivre à la campagne n'est, certes, pas chose facile. Mais l'homme avait appris à se débrouiller et vivre en harmonie avec la nature. Il y a seulement quelques années, chaque habitation avait son jardin. Les villageois n'allaient au marché que pour s'approvisionner en produits qu'ils ne peuvent cultiver chez eux. Le marché hebdomadaire était plus une journée de retrouvailles entre citoyens des différentes communes que celle des achats. On s'y retrouve pour échanger les nouvelles et s'informer de tout et de rien. De nos jours, on n'a même pas le temps de discuter tant les besoins en provision sont nombreux. Tout s'achète au marché. La Djemaâ ne joue plus le rôle qu'on lui connaît. Rares sont les villages qui continuent à fonctionner à la traditionnelle. Tadjmaâth est remplacée par un comité qui n'a pas forcément la même influence sur les habitants. Il n'y a pas si longtemps, les ruraux prenaient en charge eux-mêmes l'amélioration de leur cadre de vie. Moyennant des cotisations, les volontariats sont organisés chaque semaine. Lorsque ce ne sont pas des travaux d'assainissement, ce sont les réparations des fuites d'eau, le rafistolage des routes qui sont à l'ordre du jour. L'entraide est une pratique de solidarité qui honorait les populations. Ensemble, la vie paraissait plus facile. Même si l'eau ne parvenait pas dans les habitations, elle était puisée directement à la fontaine avec tout le charme que cela donnait au village. Des villages animés par des déplacements incessants. On partait et revenait des champs, allait chercher de l'eau à la fontaine, on faisait la chaîne volontairement aux douches publiques gratuites, cela s'entend. Bref, il faisait beau vivre dans les campagnes où l'ennui n'avait pas sa place. Aujourd'hui, le village a changé. Les fontaines n'existent plus. Les douches et les toilettes publiques ont disparu. Les animaux domestiques se font rares. Le village fait peur. Les gens circulent peu. On les rencontre plus dans les arrêts de bus qu'à Tadjmaâth. Les cafés sont devenus d'autres lieux de rencontre non pas pour discuter des problèmes de tous les jours mais jouer aux cartes et aux dominos lorsque ce n'est pas suivre un match de foot ensemble. Le villageois a délaissé ses champs. Avec le bouleversement qui touche les villages de Kabylie, les valeurs ancestrales disparaissent laissant un vide que ni l'Etat ou encore l'organisation moderne ne peu remplacer. Certes, les villageois ont droit aux moyens modernes mais pas aux dépens des valeurs qui ont toujours fait leur fierté. La disparition justement de ces valeurs fait que la vie dans les villages est devenue amère. Tout est laissé à l'abandon. L'indifférence a pris le pas sur la solidarité d'autrefois. Alors, à quoi bon rester ici, semblent dire ceux qui plient bagages.