M.Mandela, aujourd'hui âgé de 91 ans, a fait jeudi une apparition, d'autant plus rare que sa santé est fragile, pour écouter un discours en son honneur, depuis la tribune de l'Assemblée au Cap. L'Afrique du Sud a célébré jeudi le 20e anniversaire de la libération du héros de la lutte anti-apartheid, Nelson Mandela, le 11 février 1990, revendiquant son héritage de réconciliation et d'égalité entre les races. «Tout a basculé» dans l'émotion de ce moment, neuf jours après que le dernier président du régime ségrégationniste, Frederik De Klerk, eut annoncé la libération des prisonniers politiques, a souligné devant le Parlement au Cap l'actuel chef de l'Etat Jacob Zuma. «Continuons de viser l'idéal pour lequel Madiba (le nom de clan de M.Mandela, ndlr) a combattu toute sa vie, celui d'une société libre et démocratique», a ajouté M.Zuma, élu en mai dernier. «Renouvelons notre engagement à bâtir un avenir meilleur pour tous les Sud-Africains, noirs et blancs», a-t-il lancé, promettant de relever la gageure d'inégalités croissantes. Seize ans après les premières élections multiraciales qui ont porté M.Mandela au pouvoir, 43% des 48 millions de Sud-Africains vivent toujours avec moins de deux dollars par jour. Le chômage, conséquence directe d'un système éducatif défaillant, frappe près de la moitié des forces vives du pays, surtout parmi les Noirs. Le revenu mensuel moyen des Noirs a augmenté de 37,3% depuis 1994, de 83,5% pour les Blancs. M.Mandela, aujourd'hui âgé de 91 ans, écoutait le discours depuis la tribune de l'Assemblée au Cap, qu'il a honoré d'une apparition publique d'autant plus rare que sa santé est fragile. M.De Klerk, avec lequel M.Mandela a négocié la transition pacifique vers la démocratie, puis partagé le Prix Nobel de la paix en 1993, avait également été invité. L'Assemblée avait explosé en chants à l'arrivée de «Tata», le «Grand-Père» de la Nation, reprenant le traditionnel «Mandela, il n'y a personne comme toi.» Le premier président noir d'Afrique du Sud était accompagné de sa 3e épouse Graça Machel. Il avait emprunté une entrée dérobée et la télévision l'a montré une fois assis dans les tribunes de la salle plénière. Appelant l'Afrique du Sud à faire de la Coupe du monde de football 2010, qui s'ouvre juin, «un énorme succès en l'honneur» de l'ancien prisonnier politique, M.Zuma s'est réjoui de la reprise des créations d'emplois cette année. Près d'un million de postes de travail ont été éliminés lors de la récession de 2009, qui a frappé de plein fouet la plus puissante économie du continent. Incontestablement, le changement politique précipité par les événements de 1990 est radical. Les lois ségrégationnistes ont été démantelées, la démocratie installée et le pays s'est doté d'une des Constitutions les plus libérales au monde. Depuis 1994, l'ancienne formation de lutte, le Congrès national africain (ANC), a remporté chaque scrutin haut la main, prônant la réconciliation et une stabilité économique qui a favorisé une solide croissance jusqu'à l'an dernier. Le gouvernement a amélioré l'accès à l'eau et à l'électricité mais il reste beaucoup à faire dans les énormes bidonvilles, où 1,1 million de familles continuent de vivre dans des baraques de fortune. Des violences sporadiques éclatent dans les townships, où la lassitude est à la mesure du gigantesque espoir suscité par le 11 février 1990. «Ce jour-là portait la promesse que notre indignité allait prendre fin», a rappelé jeudi l'ancien archevêque anglican du Cap Desmond Tutu, lors d'une cérémonie devant le dernier lieu d'incarcération de Mandela à Paarl, près de la capitale parlementaire. «Amandla ngawethu!» (pouvoir au peuple), scandaient, comme il y a 20 ans, les quelques centaines d'enthousiastes et de vétérans de la lutte assemblés au pied d'une gigantesque statue figeant Mandela dans ses premiers pas d'homme libre, le poing dressé en signe de victoire.