Réaction n Le Soudan rejette la demande d'un mandat d'arrêt contre Bachir et menace d'une «réaction» si l'affaire était portée devant les Nations unies. Quelques heures après avoir été désigné par le procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, comme suspect de génocide au Darfour, Omar el-Béchir, qui participait à une cérémonie de ratification d'une nouvelle loi électorale, a voulu faire passer un message clair à la communauté internationale : au Soudan les affaires continuent. Il a été reçu, hier lundi, par les vivats de 500 fidèles et des hauts représentants de l'Etat. «Nous sommes en contact avec les différents membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, notamment la Chine et la Russie», a dit le vice-président soudanais en parlant des efforts de Khartoum pour bloquer tout mandat d'arrêt formel. Le Conseil peut intervenir pour différer d'un an toute poursuite. «Il est clair que si le président de la République ne détient pas entièrement le pouvoir, toutes les décisions du gouvernement nécessitant son approbation seraient alors vaines», a-t-il déclaré. Ainsi, a-t-il ajouté, «il deviendra impossible de continuer à mettre en œuvre l'accord de paix CPA qui a mis fin à la guerre dans le Sud-Soudan ou les autres accords si le président est menacé d'un procès international». «L'accusation contre le président soudanais ne tient pas du tout compte des efforts du gouvernement, des puissances régionales et de la communauté internationale pour la paix au Darfour», a affirmé, pour sa part, le porte-parole du ministère soudanais des Affaires étrangères. «D'un côté, les rebelles vont se sentir victorieux et pourraient lancer des attaques contre le peuple du Darfour et la force conjointe ONU-Union africaine», a-t-il dit. «Deuxièmement, cela va compliquer l'accord entre le Soudan et l'ONU.» Le procureur de la Cour pénale internationale a demandé, hier, aux juges de la CPI d'émettre un mandat d'arrêt contre le président soudanais pour «génocide» au Darfour (Soudan), accusation immédiatement rejetée par Khartoum. «J'ai soumis aux juges une demande de mandat d'arrêt contre Omar el-Béchir pour génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre», a-t-il déclaré après avoir présenté ses éléments de preuve aux juges. Il table sur une décision d'ici à deux à trois mois, le temps pour les juges d'analyser les preuves et d'accepter la demande, la rejeter ou demander plus d'éléments. Le Soudan a immédiatement rejeté ces accusations et a menacé d'une réaction si l'affaire était portée devant les Nations unies. Il s'agit de la première demande d'arrestation d'un chef d'Etat en exercice devant la CPI, seul tribunal permanent compétent pour juger les crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocides. C'est aussi la première fois que le génocide est porté devant ses juges. Selon Moreno-Ocampo, le génocide «a été décidé par Béchir lui-même en ordonnant à ses hommes de «ne pas faire de blessés ou de ramener des prisonniers». Il l'accuse de meurtre, viol, extermination et déplacements forcés, notamment. Selon le procureur, Béchir «a mobilisé l'ensemble de l'appareil d'Etat pour mettre intentionnellement les 2,5 millions de déplacés dans des conditions d'existence qui ne pouvaient qu'entraîner leur destruction physique». Dimanche dernier, alors qu'un millier de Soudanais avaient manifesté à Khartoum, le gouvernement avait assuré qu'il garantirait la sécurité des organisations internationales au Soudan, mais répétait à l'envi que la CPI allait détruire le processus de paix au Darfour.