Des milliers de Soudanais manifestaient hier à Khartoum leur soutien au président Omar El Bechir. La Cour pénale internationale (CPI) a émis hier son premier mandat d'arrêt contre un chef d'Etat, le président soudanais Omar el-Bechir, pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité au Darfour, mais n'a pas retenu l'accusation de génocide. «Aujourd'hui, la chambre préliminaire 1 (...) a émis un mandat d'arrêt contre le président du Soudan Omar el-Bechir pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité», a déclaré la porte-parole de la CPI, lors d'une conférence de presse dans les locaux de la CPI à La Haye. «Ceci est le premier mandat d'arrêt émis par la CPI pour un chef d'Etat en exercice», a ajouté Mme Laurence Blairon. Le procureur de la CPI avait accusé M.Bechir de génocide, mais, selon la porte-parole, «les éléments présentés par l'accusation (...) ne fournissaient pas de motifs raisonnables de croire que le gouvernement soudanais a agi dans l'intention spécifique de détruire, tout ou partie, les groupes (ethniques) four, zaghawa et massalit». «Par conséquent, le crime de génocide ne figure pas dans le mandat d'arrêt à l'encontre d'Omar el-Bechir», a-t-elle ajouté. Une demande de coopération pour l'arrestation et le transfert de M. el-Bechir à la CPI va être transmise «immédiatement» au Soudan, aux Etats parties de la CPI et aux membres du Conseil de sécurité de l'ONU, a ajouté le greffier de la CPI, Silvana Arbia. «La responsabilité de l'arrêter et le transférer incombe aux Etats», a souligné Mme Arbia. La CPI ne dispose pas de force de police propre pour arrêter des suspects. Omar el-Bechir, 65 ans, est accusé pour des crimes commis au Darfour, une région de l'ouest du Soudan déchirée depuis 2003 par une guerre civile qui a fait 300.000 morts et 2,7 millions de déplacés selon l'ONU. Khartoum parle de 10.000 morts. Le procureur de la CPI, seul tribunal permanent compétent pour juger des crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide, enquête depuis 2005 sur le Darfour en vertu d'une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU. Dès l'annonce de l'émission du mandat par la CPI contre le président soudanais, des milliers de Soudanais sont sortis manifester hier à Khartoum leur appui au président Omar el-Bechir, premier chef d'Etat de l'histoire visé par un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI). «Nous t'aimons président Bechir», scandaient plus d'un millier de personnes réunies près du Conseil des ministres, sur les bords du Nil, dans le centre de Khartoum, selon un journaliste sur place. «Le mandat d'arrêt montre qu'il y a deux poids, deux mesures avec l'Occident. Nous voulons une solution soudanaise à un enjeu soudanais», a déclaré un manifestant à des agences de presse. «Nous allons protéger le président Bechir jusqu'à la dernière goutte de notre sang», chantaient plus d'un millier de manifestants réunis près de l'université de Khartoum, selon un autre journaliste présent sur place. Le mandat d'arrêt émis hier par la CPI contre Omar el-Bechir pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité au Darfour marque «un grand jour» pour les peuple du Soudan et du Darfour, a déclaré à l'Agence France Presse au Caire un responsable des rebelles darfouris. «Nous estimons que ce jour est un grand jour pour le peuple du Soudan et le peuple du Darfour», a réagi Mohammed Hussein Charif, représentant du Mouvement pour la justice et l'égalité (JEM), un groupe rebelle de cette région de l'ouest soudanais en guerre civile depuis 2003. Le procureur Luis Moreno-Ocampo a estimé hier à La Haye que le gouvernement soudanais est obligé d'exécuter le mandat d'arrêt contre le président Omar el-Bechir émis hier par la Cour pénale internationale (CPI). «Le gouvernement soudanais est obligé par le droit international d'exécuter le mandat d'arrêt sur son territoire», a affirmé M.Moreno-Ocampo, lors d'une conférence de presse dans les locaux de la cour. Le Soudan n'a pas coopéré jusque-là et ne coopèrera pas avec la Cour pénale internationale (CPI), a déclaré pour sa part, hier sur la chaîne Al-Jazeera, le ministre de la Justice soudanais Abdel Basit Sabdarat, en réaction au mandat d'arrêt délivré contre le président Omar el-Bechir sur le Darfour. Dans une déclaration de son président, le Gabonais Jean Ping, la Commission de l'Union africaine a qualifié de «menace pour la paix au Soudan» le mandat d'arrêt émis par la CPI. «Je viens d'apprendre la décision de la CPI de lancer un mandat d'arrêt contre le président du Soudan et tiens à souligner d'abord que la position de l'UA est que nous sommes pour la lutte contre l'impunité, il n'est pas question pour nous de laisser les auteurs de crimes impunis», a déclaré M.Ping. «Mais nous disons que la paix et la justice ne doivent pas s'affronter, que les impératifs de justice ne peuvent ignorer les impératifs de paix», a-t-il estimé, jugeant que cette décision de la CPI «menace la paix au Soudan». Cette position a déjà été énoncée plusieurs fois par les 53 Etats membres de l'UA.