«Cette mesure non cordiale porte atteinte aux relations séculaires existant entre les deux pays», a souligné le chef de la diplomatie mauritanienne. Al Qaîda prospère au Sahel. Sa branche au Maghreb a, non seulement réussi à faire plier les autorités maliennes, mais aussi à créer un antécédent diplomatique qui n'en est qu'à ses débuts. La Mauritanie a rappelé avant-hier, son ambassadeur au Mali pour consultation. Nouakchott entend ainsi protester contre la libération d'un islamiste recherché par les autorités mauritaniennes. Aussi, le président malien s'est attiré les foudres d'Alger. Les relations avec l'Algérie, qui réclamait à cor et à cri l'extradition des deux terroristes impliqués dans les attentats kamikazes d'avril 2007, se trouvent détériorées. Le risque est que cela soit un antécédent dangereux au Sahel. Contrairement à la Grande-Bretagne, la France a cédé au chantage d'Al Qaîda pour sauver la vie de Pierre Camatte, et l'Espagne est dans la même logique. Dans ce contexte, les dernières informations publiées dans la presse espagnole font état de paiement de plus de 5 millions de dollars aux terroristes d'Aqmi par le biais d'un chef touareg. L'affaire aurait été conclue fin janvier entre l'Espagne et un intermédiaire avec les autorités maliennes. Ce montant a été confirmé par un membre du gouvernement, selon la même source. Outre, Pierre Camatte, Aqmi retient actuellement cinq Européens dans la zone désertique du nord du Mali: trois Espagnols capturés le 29 novembre en Mauritanie et un couple d'Italiens kidnappés le 17 décembre, également en Mauritanie. Toutefois, selon la presse malienne, il était quasiment impossible pour les autorités du Mali, de résister à la forte pression de la France, qui voulait voir son ressortissant libéré même en pactisant avec le diable. Cela représente une avancée inexorable vers la remise en cause de la lutte antiterroriste au Sahel. La France a ainsi violé les normes internationales, relatives à l'interdiction de verser de rançons ou de céder aux chantages des groupes terroristes. Celle-ci a fait fi de ces dispositions en obligeant le Mali à franchir le Rubicon. Ainsi, le Mali qui a montré au début quelques réticences, a cédé en fin de compte, avant-hier, en remettant en liberté quatre terroristes soupçonnés d'attentats kamikazes en Algérie et en Mauritanie. C'était la condition pour que soit libéré l'otage français, Pierre Camatte, détenu depuis fin novembre par un groupe terroriste d'Aqmi au nord du Mali, mais dont la libération n'est toujours pas annoncée. Les quatre activistes d'Al Qaîda ont été libérés dans la nuit de dimanche à lundi, après avoir purgé une peine de neuf mois de prison. Il s'agit de deux Algériens, un Mauritanien et un Burkinabé, arrêtés en avril 2009 dans le nord du Mali. Sous la pression des Français, le processus de libération des terroristes écroués est entamé par un pseudo-procès réglé comme une partition de musique durant la semaine écoulée. Le maquillage est flagrant: l'inculpation était réduite à la seule accusation de «détention illégale d'armes de guerre» pour qu'ils soient juridiquement libres. En effet, l'arrangement est parfait puisque ils ont écopé des peines déjà purgées. En procédant de la sorte, la France a piétiné un principe qu'elle tente d'imposer aux autres en exigeant des pays souverains ce qu'elle refuse d'accepter chez elle. Mais c'était sans compter sur les limites maliennes face à la France. Résultat des courses: des terroristes ont été remis en liberté. Selon les dernières nouvelles, ils auraient quitté Bamako à bord d'un avion spécial, samedi 20 février. Ils auraient même rejoint les ravisseurs de Pierre Camatte. Avec la rançon que devra, si ce n'est déjà fait, verser la France, ils vont reprendre le maquis et continuer leurs actes terroristes.