L'Algérie envisagerait de suspendre sa coopération avec la France en matière de sécurité et de lutte antiterroriste. Le pacte du diable scellé entre Paris et Bamako est bouclé. La dernière étape dans le plan de tractations secrètes a pris fin avant-hier, avec la libération effective de l'otage français, Pierre Camatte qui devait être reçu hier soir par le président français, Nicolas Sarkozy, à Bamako. La branche maghrébine d'Al Qaîda a libéré l'otage français qu'elle avait séquestré depuis près de trois mois dans le nord du Mali. Sa libération intervient peu après avoir obtenu de Bamako la remise en liberté de quatre terroristes écroués: deux Algériens, un Mauritanien et un Burkinabé. Pareil traitement a suscité une crise diplomatique émaillée par les foudres d'Alger et l'ire de la Mauritanie voisine. La libération des terroristes recherchés pour, entre autres, des attentats kamikazes «est un développement dangereux pour la sécurité et la stabilité dans la région sahélo-saharienne et sert, forcément, les intérêts des terroristes ravisseurs activant sous la houlette d'Aqmi», a souligné le communiqué du département algérien des Affaires étrangères. Le gouvernement algérien a condamné et dénoncé avec force cette attitude inamicale du gouvernement malien et par ricochet, du gouvernement français qui a fait, pour des raisons de politique interne, pression sur le gouvernement de Bamako. Lequel a tourné le dos à la Convention bilatérale de coopération judiciaire, signée entre les deux pays et sur la base de laquelle la demande d'extradition des deux ressortissants algériens, poursuivis par la justice algérienne pour des actes terroristes, a été formulée en septembre 2009 au Mali et réitérée en février 2010. Sous la forte pression de Paris, le Mali qui a montré quelques résistances au début a cédé en fin de compte au chantage, en libérant les quatre terroristes détenus, au terme d'un semblant de procès. En procédant de la sorte, la France a piétiné un principe qu'elle tente d'imposer aux autres exigeant des pays souverains ce qu'elle refuse d'accepter pour elle. Selon quelques observateurs, en agissant ainsi, la France et le Mali viennent de créer un antécédent dangereux au Sahel en payant une rançon contre la libération de Pierre Camatte, ajoutent les mêmes sources. Une attitude dénoncée par l'Algérie car elle permet le financement du terrorisme et son développement dans la région. En effet, des sources soutiennent que les 4 terroristes libérés ont repris le maquis et leurs activités terroristes. Même si le ministère français des Affaires étrangères soutient que «la France n'a pas versé de rançon pour obtenir la libération du Français Pierre Camatte». «Notre mobilisation demeure totale aux côtés des Etats de la région (du nord de l'Afrique) qui sont tous confrontés à cette menace terroriste», a indiqué M.Valéro, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, interrogé sur le mécontentement de la Mauritanie et de l'Algérie à l'égard des autorités maliennes. «S'agissant des conditions de la libération de Pierre Camatte et des moyens mis en oeuvre dans la région pour lutter contre Al Qaîda, a expliqué M.Valero, de très nombreux paramètres, qui dépassent les développements de ces derniers jours, entrent en ligne de compte», a-t-il ajouté. Une reconnaissance à demi-mot que la double visite de Bernard Kouchner à Bamako n'a pas été vaine et que c'est à ce moment que le chef de la diplomatie française aurait négocié la libération de Pierre Camatte contre le paiement de rançon. En signe de protestation, l'Algérie envisagerait de suspendre sa coopération avec la France en matière de sécurité et de lutte antiterroriste. Riche en uranium, en or, en pétrole et en gaz, la bande sahélo-saharienne est au coeur de toutes les convoitises. Mais aussi, de tous les enjeux.