L'affaire Kabuye est en relation directe avec l'attentat qui coûta la vie en 1994 au président rwandais Habyarimana. Une très proche collaboratrice du président rwandais Paul Kagame, Rose Kabuye, arrêtée en Allemagne, devait être transférée hier en France, dans le cadre d´une enquête sur l´attentat de 1994 contre le président Habyarimana, qui empoisonne les relations franco-rwandaises. Chef du protocole de la présidence rwandaise, Mme Kabuye, 47 ans, a été arrêtée le 9 novembre à l´aéroport de Francfort (Allemagne) sur la base d´un mandat d´arrêt européen émis par la France. La justice antiterroriste française la soupçonne d´avoir participé avec d´autres proches de Paul Kagame à l´attentat contre l´avion du président rwandais Juvenal Habyarimana le 6 avril 1994. Ancienne maire de Kigali, combattante de la première heure du Front patriotique rwandais (FPR), l´ex-rébellion tutsi de Paul Kagame, Mme Kabuye était attendue hier en France. Elle sera immédiatement présentée aux juges antiterroristes Marc Trévidic et Philippe Coirre qui enquêtent sur cet attentat, signal déclencheur du génocide de 1994 qui a causé la mort d´environ 800.000 Tutsis et Hutus modérés selon l´ONU. Les deux juges, successeurs de Jean-Louis Bruguière, qui avait émis fin 2006 des mandats d´arrêt -ayant valeur d´inculpation - contre neuf Rwandais, dont Mme Kabuye, devront alors confirmer ou non cette inculpation pour «complicité d´assassinats en relation avec une entreprise terroriste». Ils ont également la possibilité de saisir un juge des libertés et de la détention (JLD) pour statuer sur un éventuel placement en détention provisoire, ce qui serait très mal perçu au Rwanda, dont les relations avec la France sont extrêmement tendues depuis 1994. Kigali, qui accuse régulièrement Paris d´être impliqué dans le génocide, ce que les autorités françaises démentent, a rompu en 2006 ses relations diplomatiques avec la France, suite à l´émission des mandats d´arrêt contre les neuf Rwandais. La journée d'hier a été marquée par de nouvelles manifestations au Rwanda, dont l´une aurait réuni 500.000 personnes dans la capitale, selon le gouvernement rwandais. Paul Kagame a dénoncé des accusations «sans fondement» et laissé planer la menace de «mises en accusation» pour 23 personnalités françaises mises en cause par Kigali sur le rôle présumé de la France dans le génocide, parmi lesquelles figurent Alain Juppé, ancien Premier ministre et Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères. Parallèlement, un ancien soldat de la guérilla tutsie, témoin clé dans l´enquête française ayant abouti aux 9 mandats d´arrêt, a disculpé Rose Kabuye. «Elle n´a jamais eu quelque chose à voir avec ces opérations (l´attentat, ndlr). Elle n´y est pour rien», a affirmé sur la radio France Culture Josué Ruzibiza, qui vit aujourd´hui en Norvège. «Nous attendons avec impatience les réquisitions du parquet concernant un éventuel placement en détention provisoire, ce sera un moment crucial de l´enquête», a indiqué un des deux avocats de Mme Kabuye, Me Bernard Maingain. Selon lui, cette ancienne major de la rébellion tutsi disposerait en France de garanties de représentation suffisantes (logement etc.) pour éviter une incarcération. L´autre avocat de Mme Kabuye, Me Léon-Lef Forster, considère que l´éventuelle inculpation de sa cliente va permettre de demander aux juges «de se rendre sur place, d´organiser des confrontations ou des auditions». L´arrestation de Mme Kabuye intervient au moment où les juges s´apprêtaient à boucler l´enquête. Plusieurs sources proches du dossier considèrent qu´avec l´accès au dossier dont elle va bénéficier, elle serait en fait un «cheval de Troie» de Kigali. La justice française s´était saisie de l´enquête sur l´attentat contre l´avion présidentiel, car il était piloté par des Français.