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Les 4 recommandations à l'algérie
RAPPORT DU FMI
Publié dans L'Expression le 07 - 03 - 2010

C'est au titre de l'article IV des statuts du FMI que les administrateurs du Fonds ont fait part de leur diagnostic de la situation financière de notre pays.
Dans son rapport daté du 24 février 2010, le FMI adresse quatre types de recommandations à l'Algérie: le rétablissement du crédit à la consommation (I), la relance du processus de privatisation des grandes entreprises publiques (II), la réduction du volume de créances improductives (III), enfin la diversification de l'économie nationale et l'amélioration substantielle du climat des affaires (IV). Nous reprendrons chacun de ces points. Mais il convient de rappeler que c'est au titre de l'article IV des statuts du FMI intitulé «Obligations concernant des régimes de change» que les administrateurs du FMI ont fait part de leur diagnostic de la situation financière de l'Algérie. Dans la section 1 de cette disposition intitulée «Obligations générales des Etats membres», il est, en particulier, requis de tout membre, «d'orienter sa politique économique et financière en vue d'encourager une croissance économique ordonnée dans une stabilité raisonnable des prix, sa situation particulière étant dûment prise en considération».
Rétablissement du crédit à la consommation
Aucun gouvernement, qu'il soit libéral ou interventionniste, ne peut s'accommoder de la montée inexorable des crédits à la consommation, dans un contexte qui favorise le surendettement des ménages et en l'absence, surtout, de mécanismes appropriés de prévention et de lutte contre le surendettement. Quatre (4) milliards de dollars, soit un peu moins que le 1/10 des revenus pétroliers pour cette année budgétaire, ont été consacrés en 2009 à l'importation de véhicules et de pièces de rechange. Or, la LFC pour 2009 recèle une téléologie claire: réduire les importations de produits finis et encourager une politique de substitution des importations sur le moyen terme. Ceci dit, il est normal que l'impact de la LFC pour 2009 soit encore modeste au premier trimestre de l'année 2010, mais ses effets commencent déjà à se faire sentir sur le volume des importations globales et la tendance devrait se confirmer dans les mois qui viennent (à la faveur du décret exécutif fixant les modalités de suivi des importations en franchise de droits de douane dans le cadre des accord de libre-échange). Il eût été sans doute plus approprié de différer la décision d'interdire le crédit à la consommation aux années 2011 ou 2012, ce qui aurait permis aux banques et aux concessionnaires de véhicules d'anticiper l'évolution de la demande et de procéder aux ajustements nécessaires. On peut regretter cet excès de précipitation de la part du gouvernement algérien, mais certainement pas le bien-fondé de cette mesure. A cet égard, la recommandation du FMI de rétablir le crédit à la consommation est apparemment en contradiction avec cette autre invite qu'il adresse systématiquement aux Etats mono-exportateurs qui ne maîtrisent pas l'évolution des cours de leur matière première, d'avoir le regard constamment rivé sur leur balance commerciale et plus encore celle des paiements courants et de surveiller de près le solde de la balance des paiements relatifs aux services facteurs et non facteurs. Le FMI ne peut à la fois se réjouir de la gestion prudente par le gouvernement algérien de ses réserves de change et déplorer la suppression du crédit à la consommation, d'autant plus que cette interdiction concerne exclusivement des biens importés qui pénètrent librement dans le marché algérien.
Privatisation des grandes banques
L'Algérie s'était engagée à privatiser le CPA en 2007/2008 et à ouvrir le capital de la BDL et celui de la Caar ainsi que plus tard celui de la Badr. Mais l'ampleur de la crise financière internationale, en 2008, a contraint les autorités algériennes à surseoir à leurs décisions. Aujourd'hui que le spectre d'une nouvelle crise financière s'est éloigné, il est temps pour le gouvernement algérien de remettre en selle le processus de privatisation des banques publiques. S'il se résout à le faire, un maximum de soin et de rigueur devra y être apporté afin d'en garantir le succès. Pour quelles raisons privatiser une partie du secteur bancaire? Il nous faut admettre, quelque peine qu'on en éprouve, que toutes les réformes engagées par les pouvoirs publics depuis la loi du 19 août 1986, en passant par la loi sur la monnaie et le crédit du 10 avril 1990, enfin l'ordonnance du 26 août 2003 qui l'amende sur des points de fond, ont été impuissantes à améliorer les performances du secteur bancaire, encore moins permettre l'émergence d'un véritable marché monétaire capable de pallier l'absence quasi totale d'un marché financier, que ce soit celui des actions ou celui des obligations. Mais il ne suffira pas de privatiser les grandes banques publiques. Il faudra encore suivre de près la mise en oeuvre de la privatisation et ne pas réitérer l'erreur commise à propos des EPE privatisées dont l'Etat s'est désintéressé, dès que le transfert de la propriété a été réalisé. Enfin, il est indispensable, non pas seulement d'oeuvrer à l'indépendance de la Banque d'Algérie (objectif, semble-t-il, encore lointain) mais aussi de doter l'Institut d'émission des moyens (humains et matériels), de sorte qu'il puisse exercer un contrôle prudentiel efficace sur les banques primaires. L'absence d'une Centrale des risques, 20 ans après la promulgation de la LFC, révèle malheureusement l'extrême lenteur des réformes institutionnelles du secteur bancaire. Ceci posé, la privatisation des banques publiques est désormais une nécessité, tant le fonctionnement actuel de nos banques et les différents modes d'allocation des crédits aux entreprises ne sont pas conformes à l'esprit de l'économie de marché.
Réduction des créances improductives
Il ne fait pas de doute que l'orientation donnée par la BA à la politique monétaire est globalement satisfaisante. Cependant, la politique monétaire doit être coordonnée à la politique budgétaire, ce qui induit que tout desserrement budgétaire (il faudra préparer minutieusement la LF pour 2011) tienne compte du retour actuel des tensions inflationnistes dans notre pays et par conséquent, des risques de dégradation des indicateurs prudentiels du système bancaire. Le ciblage de l'inflation est une priorité du gouvernement. Certes, le taux de change du DA est aligné sur les fondamentaux, tandis que les politiques suivies par le ministère des Finances restent compatibles avec la stabilité extérieure. Mais on ne peut se dissimuler que les indicateurs prudentiels du secteur bancaire risquent d'être perturbés si le volume des créances improductives reste élevé. L'Algérie n'est pas le seul pays à avoir été interpellé par le FMI sur ce sujet (c'est le cas de la Tunisie au cours de la même période). Il est en effet indispensable que les autorités financières algériennes prennent des mesures vigoureuses pour faire obstacle à l'apparition de nouvelles créances improductives et réduisent le stock de ces créances, sauf à voir remise en cause la solidité du système bancaire algérien. Du reste, le suivi étroit des banques et le rehaussement de la qualité des services bancaires sont à ce prix. De ce point de vue, les recommandations du FMI sont les bienvenues.
Climat des affaires
Tout ou presque a été dit sur ces sujets. D'éminents spécialistes se relaient régulièrement depuis des années pour appeler de leurs voeux la rupture avec le modèle rentier. Il suffit de se référer aux travaux des Drs Mebtoul, Mékidèche, Lamiri, Mouhoubi ou du doyen de la Faculté de sciences économiques de Béjaïa, le Pr Yaici, pour découvrir le mode opératoire précis et détaillé de l'après-pétrole. Ces auteurs, grâce à des analyses du plus haut niveau et reposant sur une connaissance intime des réalités algériennes, sont en train de prendre date. Aussi bien, le décideur politique gagnerait-il à s'inspirer de leurs recommandations. D'ici 2020-2022, l'Algérie cessera d'être un pays exportateur de pétrole, cependant que les perspectives du marché du gaz seront, à ce moment-là, très incertaines. Douze ans pour bâtir les fondements d'une économie créatrice de biens et de richesses à haute valeur ajoutée, 12 ans pour mettre à niveau les entreprises du BTP dont la productivité reste la plus faible du Bassin méditerranéen, 12 ans pour transformer les PME/PMI en entreprises innovantes, 12 ans pour hisser le système éducatif au niveau des normes des pays comparables, c'est très peu. Il faut cependant prendre acte (Cf. notre chronique du 28 février dernier) de la volonté du gouvernement de mettre en oeuvre une stratégie sectorielle de développement qui aille bien au-delà de l'incitation à créer 200 000 PME/PMI d'ici 2104. Il faut bien convenir, et ce grief ne s'adresse pas à Hamid Temmar en particulier (une stratégie industrielle engage a priori tous les décideurs), que dix ans après la création du ministère de l'Industrie et de la Promotion des investissements (qui englobait à l'origine celui des participations), l'Algérie ne possède toujours pas une politique publique, nationale ou régionale en faveur du développement des filières industrielles. Le constat désabusé de M.Mékidèche: «On est encore en désindustrialisation» (El Watan du 11 octobre 2006), n'a pas pris une seule ride. Le FMI est dans son rôle en interpellant les pouvoirs publics algériens au titre de l'article IV de ses statuts dans la mesure même où l'Algérie y a souscrit, à l'instar de la quasi-totalité des pays de la communauté internationale. Il a eu raison de rappeler l'indispensable adaptation de notre appareil de production, l'utilisation rationnelle de nos ressources, l'implication de tous les agents économiques et la suppression des créances improductives qui constitueront à terme une charge insupportable pour le Trésor public. N'attendons pas par conséquent la disparition des excédents budgétaires actuels (abrités dans le Fonds de régulation des recettes) et la limitation forcée des dépenses publiques qui en résultera immanquablement, pour édifier enfin une économie productive et moderne.
(*) Professeur en droit des affaires
[email protected]


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