La France a lancé hier un appel à développer et financer la technologie du nucléaire civil dans le monde, au cours d'une conférence internationale à Paris à l'enjeu non seulement diplomatique mais aussi économique et industriel. Soixante-cinq pays et organisations internationales (ministres, chefs d'entreprise, experts...) ont été conviés à cette rencontre de deux jours qui vise à faciliter et encadrer l'accès au nucléaire civil. Iran et Corée du Nord n'ont pas été invités car, a expliqué Paris, ces pays violent «leurs obligations internationales». En ouvrant cette conférence au siège de l'Organisation de coopération et de développement économiques (Ocde), Nicolas Sarkozy a appelé les institutions financières internationales à favoriser ce domaine. «Je ne comprends pas et je n'accepte pas l'ostracisme du nucléaire dans les financements internationaux, il y a là matière à scandale (...) il faut que la Banque mondiale, la Berd (Banque européenne pour la reconstruction et le développement) et les banques de développement s'engagent résolument dans le financement» du nucléaire civil, a déclaré le président français. Selon la World Nuclear Association, plus de 450 nouveaux réacteurs devraient être construits dans le monde d'ici à 2030, soit un marché de plusieurs centaines de milliards de dollars. La France, dont la production d'électricité repose à 75% sur le nucléaire, a développé une importante filière industrielle dans le secteur, notamment avec le groupe Areva. Mais elle a perdu en décembre un contrat de 20 milliards de dollars aux Emirats arabes unis face aux Sud-Coréens et réfléchit à élargir son catalogue de réacteurs nucléaires. Celui de troisième génération de type EPR «ne répond pas forcément aux besoins du client», a relevé dimanche le ministre français de l'Ecologie et de l'Energie, Jean-Louis Borloo. Pour le patron de l'Agence internationale de l'Energie atomique (Aiea), le japonais Yukiya Amano, «l'électronucléaire peut apporter une contribution majeure au développement économique et aider à atténuer les changements climatiques». «Nous nous attendons à ce que 10 à 25 nouveaux pays mettent leur première centrale en service d'ici 2015», a-t-il précisé devant la conférence. Faciliter l'accès au nucléaire civil des pays en développement passe aussi par des outils de formation à la hauteur de l'enjeu. Depuis la pire catastrophe du nucléaire civil de l'Histoire, le 26 avril 1986 à Tchernobyl (Ukraine), cette filière a été délaissée, note un diplomate. M.Sarkozy a annoncé la création d'un institut international de l'énergie nucléaire regroupant les meilleurs enseignants et chercheurs français dans le cadre d'un réseau international destiné à former des spécialistes du nucléaire civil. Un «premier centre» de ce réseau «va être mis en place en Jordanie», a-t-il précisé. «En Europe comme à l'extérieur, il faut avoir le cadre juridique le plus avancé et les normes les plus élevées en matière de sûreté, de sécurité et de non-prolifération», a déclaré pour sa part le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso. Il a annoncé «une initiative européenne pour relever les normes de sécurité et de sûreté internationales et les rendre juridiquement contraignantes partout dans le monde». Parmi les pays présents à Paris figurent la Syrie, épinglée dans le dernier rapport de l'AIEA pour son absence de coopération, Israël, la Chine, la Russie, l'Ukraine, le Belarus, les Emirats arabes unis, le Brésil ou les Etats-Unis. Cette conférence s'inscrit dans le cadre du Traité de non-prolifération, dont un volet consacre la liberté d'accéder au nucléaire civil à côté des efforts pour le désarmement nucléaire.