L'artiste ne déroge par à sa thématique de prédilection en privilégiant l'art de la récupe pour dire notre patrimoine ancestral, modernisé. Sidi Yahia est un wali salah c'est-à-dire un «chef spirituel béni» ayant vécu au XIIe siècle. La communauté dans laquelle il a vécue porte aujourd'hui son nom. Son héritage constitue le lien fédérateur de toutes les tribus qui se déclarent des Ouled Sidi Yahia. «Ce n'est pas le Sidi Yahia que l'on connaît à Alger, complètement faux et rien n'avoir avec notre culture ancestrale.» C'est dans cette optique qu' est ancrée l'exposition, Constat 4 de l'artiste plasticien, ex-membre du groupe Essebaghine, organisée depuis samedi dernier à la galerie Gaïa de Hydra et ce, jusqu 28 mars. Décliné entre grands, petits tableaux et des installations en bois, il y a tout de même comme un air de déjà-vu. Normal, vu que le signe, la touche héritée du mouvement du Oucham, de Karima Sergoua se transfigure à travers toute son oeuvre. Environ une trentaine d'oeuvres ornent les cimaises de cette galerie, sise à Saïd Hamdine. A l'entrée, vos pieds flirtent immanquablement avec l'herbe sèche. On se croirait presque dans une étable. Un élément naturel comme entrée en matière pour illustrer ce qui va suivre, soit de la création plastique pour dire notre patrimoine tombé en jachère, et notre ancestralité. Artiste touche-à-tout, Karim Sergoua avoue travailler toujours dans la continuité de ses précédentes expos, abordant la même thématique relative à la sacralité du terroir, mais à chaque fois en rajoutant des choses nouvelles. «Je travaille beaucoup sur du bois récupéré dans les installations. C'est pour la première fois que j'expose dans une galerie privée qui a accepté mes conditions avec les accessoires que cela nécessite.» confie-t-il. Plus de paravents, ceux-ci ont été remplacés et substitués par des planches qui ressemblent à des stèles funéraires. Pour se faire, Karim Sergoua fait appel au bois qui a du vécu, récupéré des cimetières ou ramené du Sud. «Je travaille toujours dans tout ce qui est patrimoine rural et populaire. Les zaouias, les hammams, les marabouts, l'architecture ancestrale, les gorges du roufi, j'aime ces choses que j'essaie d'exploiter à ma façon en leur donnant un cachet moderne.» Sa première source d'inspiration révèle-t-il est «la rue, le quotidien d'où le titre Constat 4 en rapport avec tout ce qu'on a pu vivre comme bon et moins bon». Déclinées en style abstrait et semi-abstrait, les oeuvres de Karim Sergoua révèlent toujours des silhouettes asexuées. Nous arrivons cependant à déceler ceux de Rabah et Anissa Asselah, happés précocement à la vie. A chaque expo, l'artiste y apporte une ou deux pièces d'un événement précédent. «Ce sont des collections privées qui m'appartiennent», affirme-t-il..«Madame A», un balai accroché sur une toile a eu des enfants...c'est la «poétique du balai» qui est mise en exergue. «Est-ce qu' on balaie devant chez soi de la poussière ou on balaie la culture? C'est aussi un objet traditionnel formidable, très beau. Je me suis retrouvé avec plusieurs balais du territoire national, de Beni Saf, Sidi Knis. C'est d'une beauté incroyable», confie M.Sergoua. Autre objet incongru, collé sur des tableaux en acrylique, une poupée! Un objet fétiche en rapport avec la déesse gnaoui Na Aïcha, à Blida, où est abritée une grotte, laquelle est souvent visitée par les femmes célibataires ou mariées, soit pour le mariage soit pour avoir des enfants. «Cela fait partie de notre patrimoine culturel rural auquel je veux rendre hommage. Le lieu est magnifique, bardé de bougies, c'est ancestral. Cela rappelle un peu le vaudou mais sans l'aiguille». Originale, l'exposition est ouverte jusqu'au 28 mars.