Dessalement d'eau de mer: remise en service partielle de la station d'El-Hamma    La narration assumée de l'histoire constitue un "socle référentiel" pour les générations    Liban: 55 martyrs et 156 blessés dans les frappes sionistes au cours des dernières 24 heures    La Syrie condamne les frappes aériennes sionistes sur la capitale Damas    Agression sioniste: "La guerre à Ghaza est devenue un cauchemar sans fin"    Ligue 1 Mobilis: le coup d'envoi du match MC Oran-ASO Chlef décalé à 20h30    Energie: Le 12e NAPEC du 14 au 16 octobre à Oran    L'Algérie met en garde contre les plans israéliens    Examen des opportunités de partenariat entre Sonelgaz et «Elsewedy Electric Algeria»    Une délégation du Conseil de la nation participe à la 4e partie de la session ordinaire 2024    Le Président iranien promet une réponse décisive au régime sioniste    L'UE a demandé une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU    Les impacts entre 2025/2030/2050 des politiques de la transition énergétique seront déterminantes    Décès de l'ancien joueur de NBA Dikembe Mutombo    Les Verts pour un sans-faute face au Togo    Décès de l'ancien président du MC Oran Mohamed Brahim Mehadji    Nettoyage et embellissement    La cellule d'écoute et de prévention appelle à une nutrition plus saine des enfants    Octroi d'aides financières aux familles dont les maisons ont été endommagées par les inondations    L'intelligence artificielle, un allié pour les journalistes    Baisser du rideau de la 19e édition    Scarthin Books à Cromford, antre du livre en pleine campagne    Ouverture du premier atelier national sur l'actualisation de la liste indicative    Foot/ Ligue 1 Mobilis (1re journée/ mise à jour): le MCA s'offre la JSK (2-1) et se rachète    Sonatrach: signature d'un mémorandum d'entente avec la société nigérienne "Sonidep" pour renforcer la coopération bilatérale    Saison agricole 2024-2025: Plus de 3 millions hectares dédiés aux céréales    Le moudjahid et historien Mohamed Larbi Zebiri inhumé au cimetière de Garidi à Alger    Le président du Burkina Faso félicite le président de la République pour sa réélection pour un second mandat    Participation de 10 œuvres cinématographiques algériennes à la 12ème édition du FIOFA    9e édition du Prix littéraire Mohammed Dib: "la short liste" dévoilée    Accidents de la circulation: 27 morts et 1353 blessés en une semaine    Une réunion de coordination sur la situation sanitaire dans les wilayas ayant enregistré des cas de diphtérie et de paludisme    La nouvelle ambassadrice de l'Inde exprime la volonté de son pays de travailler avec l'Algérie dans divers domaines    Audience Le président du CSJ reçoit une délégation du groupe de la Banque islamique de développement    Belaribi s'enquiert des travaux de maintenance du stade "Ali Ammar" à Douera    Chefs d'Etat et dirigeants du monde continuent de le féliciter    L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Au flanc du Capitole, j'ai entendu l'anza...
ANZA DE ABDERRAHMANE BOUGUERMOUH
Publié dans L'Expression le 17 - 03 - 2010

«Le cri» que l'on devrait écouter nous enseigne plus que le son du Cor, le soir, au fond des bois.
Quand la poésie n'assume pas son projet, elle charme et navre à la fois. Vigny et Verlaine ne savaient évidemment pas, la souffrance humaine, je veux dire la souffrance hors romantisme, hors symbolisme, la souffrance tout court de la conscience tout court. On pourrait épiloguer longuement sur cette réflexion générale et de bon principe, mais si l'on évoquait le 8 mai 1945, on verrait les images déchirantes de Chefou, le personnage phare dans le roman Anza (*) de Abderrahmane Bouguermouh. Elles sont tragiquement bien «belles» et multiformes aussi ces images de ce 8 mai 1945 «en sa belle journée!», «en son beau crépuscule!», «en sa belle nuit!», «en sa douce nuit!» Et l'on comprendrait, avec toute l'émotion de ses entrailles, le geste de Chefou qui rend «au vent de la civilisation», le «livre de Cassino» et combien mûrit en lui cette dernière image: «Imperturbable, il n'écoute plus personne, il va partir. Une fois encore, il prend le chemin de Amar le dur, il suit malgré lui sa conscience.» Un film bien construit pour un roman inspiré par l'histoire: le cinéaste Bouguermouh devient un romancier, c'est-à-dire «un historien qui ne se voit pas»...
À Paris, des émigrés et pionniers du nationalisme algérien mesurent en silence l'ampleur du malheur qui frappe encore et toujours le pays, et qui massacre «à Sétif, Guelma, et ailleurs certainement». L'autre compagnon d'infortune, l'Algérien Bozar s'imagine la tragédie et «parle et parle»: il vient chercher Chefou qu'il faudrait «cacher, car quand la répression commence rien ne l'arrête». Et il dit vrai! La damnation du peuple algérien du fait du colonialisme n'est plus un état fortuit, - 132 ans de colonialisme, ne l'ont-ils pas assez prouvée?
Abderrahmane Bouguermouh, comme à tous les Algériens de sa génération (il est né en 1936 à Ouzellaguen), ne m'est pas inconnu. Je me rappelle l'élève studieux et doux du lycée Bugeaud, quand nous nous rencontrions avec des camarades dans la cour pour une partie de football, dans les galeries austères et sombres le long des salles de classe pour bavarder, pour dire seulement quelque chose de ce qui réunissait les adolescents algériens d'autrefois. Peut-être que la passion du cinéma, déjà, se développait-elle en lui... Et je le retrouve, plus tard, bien plus tard, à l'indépendance du pays. Après avoir tourné en berbère un moyen métrage Comme une âme (1965) sur un texte de Malek Haddad, et qui, hélas! n'avait pas connu les faveurs de la Diffusion officielle, il était magnifiquement entré dans le capitole de l'art cinématographique en réalisant un court métrage de fiction, à mon sens, très expressif et très convaincant, intitulé La Grive (1967).
Je rencontre Abderrahmane Bouguer-mouh, la dernière fois, en juin 1973, au Centre AudioVisuel de l'Institut Pédagogique National, installé à Château-Royal, à Ben-Aknoun, lors d'un séminaire de formation de professeurs à l'audiovisuel éducatif, organisé conjointement par les deux structures du ministère de l'Education nationale, l'IPN-CAV et le CNEG.
Me rapportant à la vocation fréquemment contrariée de Abderrahmane de concrétiser ses idées dans l'art de sa profession, je me disais, me souvenant de Jean Anouilh dans son Scénario: «Le cinéma, c'est une industrie, mais malheureusement, c'est aussi un art.» Et qui pouvait comprendre cette allusion subtile? Mais cela m'expliquait la stratégie coloniale: «Il n'y a qu'un seul cri pour chasser le lapin: carotte!» Il réalisa ce «cri» de protestation puis de douleur dans des courts et longs métrages: 8 mai 1945 (1968), Les Oiseaux de l'été (1978), Noir et blanc (Kahla oua beida, 1980), Cri de pierre (Çourâkh el-hadjar, 1987), La Colline oubliée (en berbère de Mouloud Mammeri, 1996).
Avec Anza, «le gémissement de l'âme meurtrie», le spectre salvateur, Abderrahmane Bouguermouh, s'il a renoncé au cinéma, il nous donne tout de même une oeuvre de vérité qui dépasse les prétentions du roman. «Sa» Colline lui permet toutes les audaces qu'il serait capable de dire par l'écriture. C'est pourquoi, je pense que Anza n'est pas un roman, c'est bien plus - si j'ose dire -, ainsi que l'annonce Abderrahmane Bouguermouh lui-même, c'est «l'histoire de l'Algérie de 1900 à 1947», du moins «d'un siècle de Kabylie», en 477 pages, toutes pleines de résultats d'enquêtes, de documentation, de sérieuses analyses et d'assez de foi pour mener sans faille un travail qui nécessiterait une équipe de spécialistes. Anza est alors une agonie, un lourd et angoissant gémissement, comparable à celui d'un spectre infini (peut-être en arabe el-khayâla), c'est-à-dire la plainte d'une âme en peine, de quelqu'un blessé mortellement et dont le sang crie de douleur. Il n'est pas facile de résumer l'Histoire (avec un H) telle que nous la raconte Bouguermouh, c'est-à-dire avec la douceur de son caractère et la précision de sa consciencieuse mémoire. Et puis, il s'agit d'un coin du pays où s'est enracinée sa vie, où là aussi résonnent les espoirs de l'Algérie depuis les temps primordiaux de sa formation.
Âgé de onze ans, l'auteur avait pu être le témoin des «événements du 8 mai 1945». Il nous rapporte ces événements avec les yeux de l'enfance, mais regards réévalués par le raisonnement de l'adulte et les faits historiques de plus d'un siècle. Son oeuvre forme un «cri» sincère qu'il reprend à son compte. Inventerait-il le drame de cette oeuvre, qu'il reste incontestablement un drame qui ne s'invente pas. Une vérité authentique, s'il en est, transparaît tout au long de ce «roman», à travers des situations vécues, des personnages forts de l'existence qu'ils justifient par leurs actions et leurs réactions face à une souffrance aiguë, celle de tout un peuple épris de justice et de paix. Cela dit, quand bien même - permettez que je cite un vers extrait de Fureur et mystère (1948) du grand poète et résistant français René Char (1907-1988) - «Les yeux sont encore capables de pousser un cri.»
(*) Anza de Abderrahmane Bouguermouh, Casbah Editions, Alger, 2009, 477 pages.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.