Le film marocain Itto Titrit de Mohamed Abbazi a ému l'assistance par l'audace du sujet abordé... Le soleil est revenu sur la capitale du Djurdjura. En ce 16 mars, la première journée du Festival culturel annuel du film amazigh débute dans la matinée à la Maison de la culture par trois films aux genres différents. D'abord, un court métrage expérimental intitulé Le Message du mur signé Mourad Haïmer. Durant plus de neuf minutes, le réalisateur nous démontre comment l'art devient une arme de résistance entre les mains innocentes d'un enfant. Suivra un documentaire de Rabie Ben Mokhtar portant sur Tin Hinan...légende touarègue. A travers ce film qui pèche par un manque d'information concernant la vie de cette reine du désert, le réalisateur s'évertue tout de même à nous restituer l'âme de ce mythe fondateur sur lequel repose le patrimoine culturel touareg. La datation du passage de Tin Hinan à Abalessa, à 80 kilomètres de Tamanrasset manque à l'appel. Nous ne savons pas non plus pourquoi s'était-elle déplacée dans cette région en quittant la sienne. On croit comprendre qu'elle a existé aux environs du VIIe siècle et qu'elle fuyait les Romains. Des images présentées sous forme de cartes postales, ce documentaire nous rappelle combien il est difficile de s'attaquer à ce genre d'exercice. Ce film nous renseigne sur un passé non encore maîtrisé. Vivier de réflexion tout de même, Tin Hinan, légende touarègue a bel et bien existé dans la mémoire collective d'un Targui. Impossible d'en contredire un. Il vous en donnera pour preuve, sa tombe, délestée à l'époque par les Français. Après un passage aux Etats-Unis, son squelette et autres bijoux reposent aujourd'hui au musée du Bardo. Dans un registre plus léger, Karim Ould Oulhadj, nous restitue, quant à lui, à travers son reportage 1,2,3 viva l'Algérie l'âme et la passion des supporters de foot algériens. A travers ce petit reportage, écrit, réalisé et monté dans sa chambre avec des moyens rudimentaires -une simple vidéo- le jeune Karim évoque cette montée de nationalisme parvenue suite à cette effervescence footballistique qui a réconcilié les Algériens avec leur drapeau national...Tournées à Tizi Ouzou, se sont essentiellement des images de liesse qui sont montrées, prouvant que la religion n'est pas seule l'opium du peuple, comme diront certains. Un petit film sans budget, ni prétention qui mérite d'exister afin que le peuple algérien, essentiellement les jeunes, puissent se reconnaître à travers lui. Et Dieu sait comme notre société manque cruellement d'images d'elle-même. Un travail presque à vocation sociologique qui mériterait qu'on s'y attarde dans quelques années, pourquoi pas. L'après-midi du festival a vu attribuer une carte blanche au festival «Signes de nuit» avec la présentation de plusieurs films entre longs et courts métrages. La petite salle de la Maison de la culture de Tizi Ouzou a abrité un panorama amazigh tandis que démarrait à l'école Jardin secret de Tizi Ouzou un atelier pour enfants, encadré par deux animateurs du festival de Clermont-Ferrand. La soirée fut consacrée à la projection d'un long métrage marocain en section compétition. Il s'agissait de Itto Titrit de Mohamed Abbazi. 1953-1957, le peuple se mobilise pour exiger le retour du sultan nationaliste Mohammed V. Alors que la grande histoire faite rage, la petite est plus passionnante car innocente et drôle. Deux jeunes gens vivent leur enfance tranquille dans leur petite cabane en refaisant leur propre monde grâce à l'apprentissage de la langue amazighe. La petite Itto Titrit ou l'étoile du matin rêve en effet sous ce ciel de liberté, prôné par tout le monde de casser un tabou et rejoindre les bancs de l'école, et arracher son destin de la dictature de l'homme. Or ceci n'est discernable qu'à la fin du film quand le jour de son mariage forcé, la fille, les mains attachées au lit pour la marier de force au cousin du taleb du village, revenu de la guerre d'Indochine rentre dans la chambre et la découvre inanimée. La fille était terrassée par une crise cardiaque. Elle a été envoyée chez le bourreau sous le consentement de ses propres parents à cause de ce sacro-saint sentiment de nationalisme. Il s'agit du premier film en langue amazighe financé par l'Etat nous apprend-on. Lors du débat, le réalisateur confie avoir été dans l'obligation de vendre son lot de terrain acheté suite à ses différents métiers comme assistant réalisateur sur de grands plateaux de tournage internationaux afin de finir son film, faute d'argent. Réalisé avec des acteurs non professionnels, le film a pour objectif, la dénonciation de plusieurs maux de la société rurale, notamment encore confrontée aux idées conservatrices telles dictées par les traditions religieuses, mais aussi la course au pouvoir et l'hypocrisie sociale. Le film est une adaptation d'un roman autobiographique intitulé Drame Nuptial. «Enfant, je souffrais pour les filles de mon âge. On était témoins de choses terribles. Beaucoup de choses qu'on voit dans le film je les ai vécues. Des gens m'ont dit que j'ai rapporté la réalité telle quelle», a confié le réalisateur.