Après avoir tenté de tendre la carotte, le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière brandit le bâton. Il menace de sanctions tous les praticiens qui prolongeront la grève pour faire aboutir leurs revendications. Retenue sur salaire pour l'ensemble des journées de grève, envoi de mises en demeure individuelles à l'ensemble des praticiens en abandon de poste et mesures de révocation à l'issue de ces procédures à l'encontre de tout praticien qui n'aura pas rejoint son poste de travail. Saïd Barkat a décidé de sévir contre les praticiens et les spécialistes de la santé publique en grève depuis plusieurs semaines. «Les mesures de révocation seront entamées contre tout praticien qui n'aura pas rejoint son poste de travail», a menacé le département de Saïd Barkat dans un communiqué. Le ministère de la Santé met en avant «les malades et leurs parents qui sont pris en otage». Une nouvelle déclaration malencontreuse qui risque de mettre le feu aux poudres au sein de la corporation. Dans l'immédiat, la guerre semble déclarée. «Nous allons devoir passer à l'acte et prendre les mesures nécessaires à l'encontre de ces syndicats», avait averti le 14 mars, Saïd Barkat, en marge de l'inauguration du premier Salon international du médicament générique. La rencontre a eu lieu à la Safex, aux Pins maritimes à Alger. Chose promise, chose due. Le ministre de la Santé mettra-t-il à exécution ses menaces? Tout porte à le croire si l'on prend au pied de la lettre le communiqué de son département, rendu public lundi. «Les deux syndicats persistant dans leur attitude et allant jusqu'à refuser de participer à l'élaboration du régime indemnitaire au sein de la commission où siège l'ensemble des autres syndicats de la santé, le ministère se voit dans l'obligation de mettre à exécution toutes les mesures prévues par la réglementation régissant les relations de travail pour que cesse la prise en otage des malades et de leurs parents», font constater les services de Saïd Barkat. Le message est clair: l'échec des négociations est bel est bien consommé. Les hostilités sont ouvertes. Qui tirera le premier? Le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, qui s'est longtemps confiné dans un silence qui en disait long sur la gravité du conflit qui l'oppose aux blouses blanches, a eu le choix des armes. «La justice s'est déjà prononcée sur l'illégalité de la grève des praticiens à la fin du mois de janvier dernier», avait-il laissé entendre, il y a une dizaine de jours. «Nous allons appliquer la loi car la grève n'est pas constitutionnelle», a-t-il ajouté. Une mesure qui ne semble pas effrayer outre mesure les responsables des deux syndicats, le Snpsp et le Snpssp ainsi que leurs bases qui se tiennent prêts à en découdre. Dans un communiqué transmis à la rédaction, l'intersyndicale des praticiens de la santé publique dénonce avec vigueur la batterie de mesures répressives qui viennent d'être prises à l'encontre des praticiens grévistes, à travers lesquelles le droit de grève consacré par les lois de la République se trouve bafoué. L'intersyndicale souligne que cette nouvelle atteinte aux libertés syndicales «nous édifie sur l'incapacité des pouvoirs publics à prendre en charge nos revendications socioprofessionnelles pourtant reconnues légitimes par toutes les instances aussi bien administratives que politiques approchées durant la grève». Et de dénoncer dans ces mesures une politique de mise à mort programmée de la santé publique. D'autant, ajoute le même communiqué, que l'allégation d'«abandon de poste» envers les grévistes qui sont toujours à leur poste pour obligation de service minimum est un mauvais alibi, et contredit la démarche même de la tutelle qui a reconnu la grève par la tenue de réunions de conciliation telles que prévues par la loi. En effet, il faut reconnaître que les médecins, qui en sont à quatre mois de grève, n'ont eu d'interlocuteurs que tardivement. Saïd Barkat a-t-il joué sciemment le pourrissement de ce vaste mouvement qui ne montre aucun signe d'épuisement? Sa position est des plus ambiguë... Elle a dérouté ses acteurs et plus d'un observateur. Après avoir, pratiquement, reconnu la légitimité des revendications des médecins au cours d'une réunion qui s'est tenue le 24 février dernier, d'après les déclarations du Dr Yousfi (voir L'Expression du 16 mars): «Durant cette réunion, le ministre est passé nous voir. Il nous a déclaré que s'il n'était pas ministre il aurait mis sa blouse et aurait fait la grève avec nous», a révélé le conférencier. Pis encore, «il nous avait déclaré qu'il avait fait tout son possible auprès du Premier ministre pour que notre dossier soit pris en charge. Selon lui, ses démarches n'ont pas abouti», Saïd Barkat a fini par qualifier leur grève d'illégale. «D'un côté, il nous invite à des réunions de conciliation et de l'autre il qualifie notre grève d'illégale», s'est insurgé, pour sa part, Lyès Merabet, président du Syndicat national des praticiens de la santé. Le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière pour, sans doute, témoigner de sa bonne foi, indique dans son communiqué du 22 mars que les portes du dialogue demeurent ouvertes. Une approche loin de convaincre l'intersyndicale qui souligne que «compte tenu de cette évolution, les deux syndicats ont décidé d'appeler à des assemblées générales locales pour décider de l'attitude à adopter par rapport à cette nouvelle situation et ce, en prévision de la réunion extraordinaire de leurs conseils nationaux prévus le 25 mars 2010 pour le Snps et le 26 mars 2010 pour le Snpssp». De ce fait, le conflit est en passe de s'éterniser d'autant que le recours systématique des pouvoirs publics à la justice pour mettre fin à un mouvement de grève n'est pas fait pour apaiser les esprits. Pour rappel, le secteur de la santé publique emploie quelque 30.000 médecins dont 8500 spécialistes, selon les présidents des deux syndicats.