Il ne fait plus de doute désormais : le président américain risque de mener le monde à l'aventure. Unanime, la communauté internationale s'oppose au projet américain de frappes militaires contre l'Irak. Cependant, insensible à cette levée de boucliers, Washington persiste et signe, lorsque les principaux dirigeants américains continuent à appeler à la guerre. Le plus étrange est que même l'«ennemi» le plus honni par Bagdad, l'ancien chef de l'équipe d'inspecteurs en désarmement de l'ONU (Unscom) Richard Butler, trouve «insensée» une attaque unilatérale des Etats-Unis contre l'Irak. De fait, tous les analystes et observateurs, de même que les Etats les plus influents du monde, mettent l'accent sur les dangers incalculables qu'une nouvelle guerre au Golfe peut induire. Faisant de l'élimination de Saddam Hussein une priorité, sinon une fixation morbide, George W.Bush veut en finir avec le régime irakien, quel qu'en soit le prix pour le monde, et réussir ce qu'aucun de ses prédécesseurs n'a pu faire lors des trois dernières décennies. Le retour des inspecteurs en désarmement de l'ONU est une affaire qui relève du seul Conseil de sécurité, et il n'appartient à aucune puissance, fût-elle la toute première d'entre les Etats, à se substituer aux Nations unies. C'est ce que font cependant les Etats-Unis, appuyés par la Grande-Bretagne, qui créèrent de leur propre initiative des zones d'exclusion au nord et au sud de l'Irak. Le monde, pusillanime, n'a pas réagi en temps et heure, à cet oukase américain. Aujourd'hui, les choses vont plus loin quand les Etats-Unis prétendent entraîner la planète dans une guerre qui n'est pas la sienne, une guerre dont personne ne peut prévoir les conséquences, qui ne peuvent être que désastreuses pour une terre qui a d'autres priorités à accomplir qu'ouvrir un nouveau front de violence. Le hic c'est que cette guerre que projette de faire George W.Bush contre l'Irak, ne peut se réaliser qu'avec l'aide et le consentement des pays arabes, notamment par l'autorisation de stationnement de troupes US et de l'utilisation de leur territoire pour porter la guerre et la mort contre un pays arabe. Il faut également relever que l'accord de la communauté internationale, et au moins la participation, fût-elle symbolique de l'Union européenne, sont nécessaires pour, à tout le moins, justifier de la caution internationale d'une guerre voulue et organisée par les seuls Etats-Unis. Les responsables américains, militaires notamment, savent bien que Washington ne peut mener de front deux guerres de dimension mondiale, contre le terrorisme international et Al-Qaîda, et contre l'Irak. Les moyens actuels des Etats-Unis ne leur permettent pas, en tout état de cause, d'être présents en Afghanistan et en même temps de mener la guerre à l'Irak. Ce que relève un officier américain, qui dans une déclaration faite sous le couvert de l'anonymat, affirme: «Pouvez-vous imaginer à quoi cela ressemblerait si nous partions en guerre contre l'Irak et si en même temps nous subissions une autre attaque terroriste aux Etats-Unis?» En effet, mais le fait important est qu'une guerre contre l'Irak serait improductive et mettrait en danger toute la région du Moyen-Orient, menacée alors de balkanisation. Une guerre contre l'Irak, c'est le risque assuré de dépeçage, outre de l'ancienne Mésopotamie en plusieurs Etats, dont le Kurdistan au Nord, celle de la Turquie et de l'Iran par la sécession du Kurdistan turc, voire iranien et syrien. Dès lors, vouloir, en dépit de l'opposition de la communauté internationale, frapper l'Irak, relèverait de la paranoïa et mettrait en danger la paix dans le monde. Aussi, la focalisation de Bush sur Saddam Hussein ne s'explique d'aucune manière d'autant que les arguments quant au réarmement irakien sont un peu minces et n'ont, jusqu'ici, pas convaincu les alliés des Etats-Unis, qui persistent à dire qu'il appartient au seul Conseil de sécurité d'apprécier la situation en Irak et de prendre, si besoin est, les décisions adéquates y afférentes. Les Etats-Unis ne peuvent imposer leur vision des choses au monde d'autant, comme l'affirme Richard Butler, ancien inspecteur de l'Unscom, que «la doctrine Bush n'est pas le droit international».