Il y a eu un cow-boy à la Maison-Blanche, à l'ère du président Reagan, le même lieu semble abriter aujourd'hui un jongleur de vies humaines. C'est du moins la conclusion qu'émet Stephen Hess, professeur d'études politiques au Brookings institution de Washington. Selon ce dernier, George W.Bush, «est un jongleur qui a trois balles: l'Irak, la Corée du Nord et l'économie. Il les rattrapera peut-être toutes ou devra en lâcher une, deux ou trois». Bref, un jeu de hasard auquel se livre le président américain pour maintenir sa popularité, qui est ascendante, quitte à le faire au prix de la vie humaine. Toutefois, il y a le fait que, pour ce jongleur hors normes, les balles ce sont des millions d'êtres humains avec lesquels le président Bush jongle et qu'il semble prêt à sacrifier sur l'autel de sa réélection. Cependant s'il jongle, notamment, avec l'Irak et la Corée du Nord, le président Bush ne veut pas, toutefois, prendre de risques et se concentre uniquement et totalement sur l'Irak. Là où il y a maldonne c'est que la crise du nucléaire, qui est sans doute réelle, est opportunément utilisée par l'administration américaine pour des affaires de politique strictement internes. Totalement accaparée par l'Irak, Washington renvoie en arrière-plan celle, identique, ouverte avec la Corée du Nord. Ainsi, la crise du nucléaire ouverte par la Corée du Nord met en lumière le concept à tout le moins discrétionnaire avec lequel Washington compte gérer les «turbulences» qui émaillent les relations internationales. Cette stratégie à double entente, notamment dans le cas de la dissémination du nucléaire exprimée par les cas irakien et nord-coréen, -voire à triple acception si l'on tient compte du fait de la possession par l'Etat hébreu d'armes de destruction massive, Israël étant aussi l'un des deux ou trois pays du monde à n'avoir pas adhéré au TNP, sans pour autant en être inquiété-, nn'est pas sans influer négativement sur les efforts fournis, par ailleurs, par les Nations unies pour aboutir à un monde sans arme de destruction massive, et indique a contrario l'arrogance avec laquelle les Etats-Unis traitent la communauté internationale faisant passer de fait les intérêts américains avant même la paix et la sécurité du monde. Et une guerre contre l'Irak n'est à l'évidence pas de l'intérêt de la paix dans le monde. Alors que les préparatifs militaires d'invasion de l'Irak sont en phase finale, Washington, quoique arborant un profil bas dans l'affaire coréenne, en préconisant le dialogue et la solution diplomatique, se dit cependant prêt à aborder de front les deux conflits. Dès lors la question qui se pose est de savoir comment ce qui est possible avec la Corée du Nord de Kim Jong Il (essayer de trouver une solution par le dialogue) ne l'est plus dès lors qu'il s'agit de l'Irak et de Saddam Hussein. Seulement voilà, la Corée du Nord dispose au moins -selon des experts internationaux- de deux bombes atomiques et a les potentialités technologiques pour mettre au point un armement nucléaire, alors que ll'Irak est seulement soupçonnée d'avoir une telle capacité. Faut-il, sans doute, surtout retenir le fait que pour l'homme d'affaires George W.Bush, -propriétaire de nombreux puits de pétrole au Texas—, le challenge irakien est nettement plus motivant que ne peut l'être une Corée du Nord pauvre et dépourvue de ce précieux or noir. Ce qui fait toute la différence, comme le fait que tous les signes d'ouverture des autorités irakiennes sont balayés par la Maison-Blanche qui estime, contre toute vraisemblance, que «l'attitude (de Bagdad) est décourageante». Ce qui reste à tout le moins spécieux d'autant plus que l'administration américaine qui cherche, sous un prétexte ou un autre, à frapper l'Irak, se défend par ailleurs du fait que la guerre envisagée contre l'Irak ait pour fondement la manne pétrolière de ce pays. Alors que reproche Washington à Bagdad? La dictature de Saddam Hussein? C'est une évidence ! Cependant il faudrait bien que les Etats-Unis, qui protègent des monarques absolus, qui n'ont jamais su ce que la démocratie peut signifier, et coopèrent sans états d'âme avec des dictateurs patentés, doivent trouver autre chose pour, autant convaincre la communauté internationale, que justifier de frappes contre l'Irak. D'autant plus, que c'est ce même Saddam Hussein qui, durant des années, a servi les desseins de l'Oncle Sam, engageant, entre autres, son pays dans une ruineuse guerre contre l'Iran. M.Bush qui a été le gouverneur américain qui a le plus autorisé les exécutions des condamnations à mort dans son Etat, fait peu cas de la vie humaine. Aussi, comme l'affirme le professeur Hess, il jongle avec la vie de millions d'Irakiens au risque de provoquer un effroyable génocide qui ne semble pas autrement le perturber. Comme le disent les sondages, le sang (des condamnés à mort américains qui le firent élire président et celui des Irakiens qui pourraient assurer sa réélection) fait monter au summum sa popularité...Alors, pourquoi s'arrêter!