Si Bush est toujours décidé à changer le régime irakien, les pressions internationales sur les USA se font insistantes. Washington, comme l'a déclaré tout récemment le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld, est toujours décidé à attaquer l'Irak et à faire tomber le régime du président Saddam Hussein. Cette insistance américaine à frapper l'Irak, coûte que coûte, faisant fi des mises en garde de la communauté internationale, confine à la paranoïa la première puissance mondiale. En matière de politique étrangère, plus que jamais, le seul ressort qui meut l'administration républicaine est l'emploi de la force quel qu'en soit le prix, quitte pour cela à fouler aux pieds les lois et droits internationaux censés guider un Etat qui, de par sa position particulière de première puissance mondiale, se devait de donner l'exemple. Aussi, vouloir «destituer» manu militari et par tous les moyens, le chef de l'Etat irakien ne sert en rien la paix dans le Golfe et au Moyen-Orient. C'est ce que la communauté internationale a compris et qui pousse Washington à abandonner son projet insensé d'attaquer l'Irak. Outre les pays arabes - qui pour l'occasion, parlent d'une seule voix - qui s'opposent fermement à une frappe contre l'Irak, y compris le Koweït et l'Arabie Saoudite, alliés traditionnels des USA, l'Union européenne, par les déclarations de ses dirigeants, dont tout récemment le chancelier allemand, Gerhard Schröder, et le président français, Jacques Chirac, ne cesse d'appeler Washington à la retenue. Kofi Annan s'est, de son côté, clairement démarqué, en tant que secrétaire général de l'ONU, d'une aventure dont personne ne peut en mesurer les conséquences. Tous les analystes estiment, de fait, que les arguments présentés par Washington, pour justifier sa croisade contre l'Irak, sont peu convaincants et ne doivent pas, en tout état de cause, faire courir à la planète le danger d'une conflagration générale. En effet, pour les Européens, les Arabes et l'ONU, seul le Conseil de sécurité peut décider, et encore en dernier recours, de l'utilisation de la puissance militaire contre un Etat souverain. Pour tous, l'avis et le feu vert de l'ONU sont incontournables, sauf pour Washington qui semble faire peu cas des Nations unies, si l'on note les propos du vice-président Dick Cheney, visant à rassurer sur les intentions de la Maison-Blanche, et selon lequel «les Etats-Unis consulteraient leurs alliés et le Congrès, avant toute action». On observe ainsi que M.Cheney n'évoque pas une consultation du Conseil de sécurité de l'ONU sur le sujet. Toutefois si la communauté internationale est inquiète des suites que pourrait induire une attaque contre l'Irak, un malaise est apparu dans les relations entre la Maison-Blanche et le Département d'Etat, où plus exactement d'aucuns s'interrogent sur le mutisme du secrétaire d'Etat, Colin Powell, sur cette question. Au point que la Maison-Blanche et le Département d'Etat s'en sont allés à des mises au point quant au soutien de M.Powell à l'action envisagée contre l'Irak. C'est ainsi que la Maison-Blanche a écarté, vendredi, tout différend entre les structures responsables américaines, indiquant que le gouvernement américain «parle d'une seule voix». Scott McClellan, porte-parole de la Maison-Blanche, a déclaré à la presse: «Notre politique est connue, c'est celle d'un changement de régime, (en Irak) le président (George W.Bush) et le vice-président (Dick Cheney) l'ont fait savoir très clairement aux Américains», voulant montrer ainsi que tous sont d'accord sur les options guerrières contre l'Irak. Le même porte-parole ajoutait: «Le Département d'Etat s'est exprimé récemment sur la question comme nous l'avons fait, et la position de l'administration est unanime (sur l'Irak). Nous parlons d'une seule voix» conclut-il. Certes! Il y a le fait cependant, qu'à l'inverse du président Bush, du vice-président Cheney, du secrétaire à la Défense, Rumsfeld et de la conseillère du président, Condoleezza Rice, - qui se sont totalement engagés ces dernières semaines dans une virulente campagne préparant les Américains (et le monde) à une guerre contre l'Irak -, d'aucuns ont relevé le silence, à tout le moins remarquable, du chef de la diplomatie américaine très en retrait sur la question par rapport à ses collègues du gouvernement. De fait, le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, donne même l'impression, par ses déclarations musclées, d'être le maître d'oeuvre de la politique étrangère américaine. Dans l'affaire irakienne, les dirigeants américains, abusant du pouvoir des Etats-Unis, font jouer à leur puissance militaire le mauvais rôle de gendarme international, alors qu'il appartient seulement à l'ONU et au Conseil de sécurité de faire revenir les inspecteurs en désarmement en Irak, et au peuple irakien de faire un sort au dictateur Saddam Hussein. Faut-il voir, a contrario, dans l'élimination de la dictature irakienne, l'instauration d'une dictature américaine sur le monde? Le danger est suffisamment réel, d'autant que Washington fait peu cas des avis de ses amis et alliés, pour faire réfléchir sur l'impasse où les Etats-Unis sont en train d'engager le monde.