Cette année, ce sont douze artistes photographes, entre professionnels et amateurs, qui se prêtent au regard du spectateur et ce, durant un mois. Le Musée d'art moderne et contemporain abrite depuis samedi dernier et durant un mois, la seconde édition de l'expo photo «Regards reconstruits». Cette année, ce sont douze artistes photographes, entre professionnels et amateurs qui se prêtent au regard du spectateur et offrent leur vision du monde, partant de leur sensibilité et prise de position envers le monde qui nous entoure. Parfois avec légèreté, nostalgie, ou recherche d'esthétique avérée, ces photos, certaines trop agrandies ou de format moyen, expriment chacune d'entres elles des états d'âme, des préoccupations spontanées ou méditatives. «Nous avons reconduit la première édition de l'expo photo "Regards reconstruits". Comme vous le savez, chaque année, on consacre un mois à la photo, cette fois aussi ce sont tous des Algériens qui exposent ici. On préfère donner la primeur aux Algériens qui vivent en Algérie et qui font un bon travail. S'agissant de la sélection des photos, cette fois, on a choisi de différencier deux sortes de photos, la classique qui reflète les paysages, la nature morte ainsi que le scènes de vie, ces photos-là sont en bas, et en haut on a favorisé les gens qui font de la recherche, et vont vers une autre esthétique particulière.» nous a souligné le spécialiste en art plastique du Mama, Omar Meziani. Mme Achour qui n'est pas à sa première exposition s'accroche à sa thématique de la lumière, partant de la tessiture de la matière et ses reflets. Son but est de comment faire du dessin avec de la photographie. Fidèle au noir et blanc et son appareil en argentique elle nous donne à voir à travers un de ses tableaux, un travail axé sur le regard entre éteint et lumineux.. Dans un autre registre plus classique mais qui incite à la réflexion, sont les photos de Lyès Meziani lesquelles tendent plus vers le symbolisme et l'abstraction. Ce monsieur capitalise plus de quanrante années de passion pour cet art. Ces photos emmagasinent des objets qui, à bien regarder, vous permettent de lire des choses bien au-delà de ce que l'oeil nu peut voir. Une télé couverte par un haïk, cela suggère le deuil. L'oeuf seul renvoie à la naissance ou le recommencement. Ses photos sont sciemment sans titre pour laisser cours à l'imaginaire du public. Nadir Djema, quant à lui, vous propose d'immerger dans la plénitude saharienne avec ses paysages du désert à couper le souffle. Dans un style plus intime et moins grandiloquent, Hacehmi Ameur nous offre des scènes de vie, des moments d'apaisement à travers ces représentations d'hommes et femmes villageois, bédouins ou du Sud. Des petits instantanés de petites gens ou encore cette carcasse d'une voiture brûlée au milieu de nulle part. Dans un style plus contemporain, Mohamed Badawi apporte à travers son travail «Le Code» une réflexion autour des médias quant celles -ci nous bombardent à longueur de journées d' images sur les bombardements justement de Ghaza. Notre journaliste polyvalent aligne un torrent d'images prises au huitième jour du conflit, entre treize heures et quinze heures puis entre 23 heures et une heure du matin. Au milieu des images, un télé trônant avec un blanc comme un linceul qui en dit long sur le silence ou le mutisme qui régissent ce flux ininterrompus d'images, parfois à tort ou sans résultas. Aussi Badawi se plait ici à fixer le temps pour se permettre de mieux regarder ces images lesquelles contiennent probablement un code...subliminal? Mohamed Badawi fera donc parler le virtuel qui se veut parfois plus éloquent, au détriment de n'importe quelle action réelle.. La jeune Madina Kermiche dans «Derrière un nuage» commet un travail original à plus d'un titre, qui mérite qu'on s'y attarde. Cette jeune fille qui n'a fait qu'une année à l'Ecole des beaux arts et a dû s'arrêter pour des raisons familiales, doit ces photos à son foisonnement imaginaire débordant d'idées. Le concept de ses oeuvres est simple mais efficace. Comment arriver à faire éclore de la peinture derrière une image de photo? L'illusion au bout du détail, un trait réussi puisque ses photos se confondent avec les tracés picturaux d'un tableau expressionniste! Rafik Zaïdi, quant à lui, aborde dans «Evasions indigos» le désert comme un lieu de transhumance violent, un lieu hautement expressif habité d'ombres, reflet de ces âmes en peine qui passent ou y trépassent. «Ce travail, dit-il, je l'ai fait en hommage à tous ces jeunes d'Afrique qui fuient le mal de vivre. La traversée du désert (au sens propre comme au figuré) est dure pour ces ombres que vous avez peut être croisées sans les voir. Certains atteignent cet El dorado, d'autres continuent d'en rêver». Outre la photo, Rafik Zaïdi expose un long fanion déconstruit où sont mis en exergue ces ombres tantôt sombres tant colorées. Pour sa part, Mohamed Yacef, encore étudiant à l'Ecole des beaux arts, section design, se plait à opérer une distorsion au niveau de l'image grâce au numérique faisant le pied-de nez au règles établies. Pour lui, que le numérique permet et sert la création. «Dans mon travail l'appareil photographique n'est qu'un outil avec lequel je produis volontairement des images esthétiques qui mettent à distance le réel et la transcendance, je ne cherche pas à représenter fidèlement la réalité, mais je travaille sciemment avec les moyens picturaux qu'offre la photographie» fait remarquer le jeune artiste. De son côté, Mohamed Amine Boumdjane, nous livre une démarche intime. Mohamed est un jeune natif d'El Kalitous, ces quartiers populaires qui ont vécu des moments très durs, durant la tragédie nationale. Lui, il se nourrit de ça pour exister et nous faire immerger dans son monde, composé de regards d' enfants, des portraits d'enfants tronqués, ou le regard semble être figé vers un horizon peut-être certain ou incertain. Dans Le temps d'un regard, Yacine Belahsène arrête quant à lui, le temps pour le laisser se mouvoir dans le songe de l'éternité et ce, à travers ces visions d'un pêcheur sur sa barque ou encore de cet homme tenant un parapluie face à la mer. Un moment anachronique poétique décliné en noir et blanc, en couleur sépia ou en bleu vaporeux, évoquant les contemplations romantiques d'un Victor Hugo. Ce sont là quelques exemples de photos qui sont exposées aux cimaises du Mama durant un mois. Cependant, on regrette cette année un manque de vitalité dans ce magma de photos. Il nous semble que l'expo de l'année dernière était meilleure, plus dynamique tant sur le plan du contenu que de l'audace des sujets abordés.