L'annonce du Premier ministre concernant le futur plan d'investissement pose plus de questions qu'elle n'apporte de réponses. Jeudi dernier, le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, avait indiqué à Alger que le prochain programme quinquennal d'investissement sera doté d'une enveloppe de plus de 200 milliards de dollars. Mais personne ne sait comment la cagnotte pouvait passer allègrement de 150 milliards à 200 milliards. Personne au sein du gouvernement ne s'est donné la peine d'expliquer cet écart. Ce dernier peut être encore plus important si l'on prend en considération le contenu de déclarations antérieures d'hommes politiques. Le montant du programme passerait du simple au double. Il serait de 300 milliards de dollars, selon certaines sources. Avec la précision que ce dernier chiffre comporte des montants consacrés dans le plan précédent à des projets qui n'ont jamais été réalisés. Ce qui pousse à poser de nouveau des questions sur la capacité des sociétés nationales à absorber les budgets alloués aux projets. D'ailleurs, même l'appel à des étrangers n'a pas suffi pour matérialiser les projections rangées dans des tiroirs en infrastructures visibles sur le terrain. Il n'est pas inutile de s'interroger également sur les sources de financement du programme. Depuis les années 1970, la vie économique s'est organisée autour des recettes pétrolières. Ces dernières ont été, durant la décennie 2000, de plus de 300 milliards de dollars. Cela voudrait dire que l'Algérie devrait consommer en cinq ans ce qu'elle a engrangé comme recettes en 10 ans. Encore faut-il que les prix du pétrole et du gaz permettent des rentrées importantes. Si les recettes se stabilisent à 50 milliards de dollars par an, il faut six ans pour économiser 300 milliards de dollars. Sans effectuer aucune autre dépense. Or, les importations, à elles seules, sont de 50 milliards de dollars par an. C'est-à-dire qu'elles absorbent toutes les recettes. Cette donne liée aux hydrocarbures n'a pas échappé au gouvernement d'où la demande adressée au ministre de l'Energie d'évaluer le rapport entre les dépenses et les recettes. Mais n'allez surtout pas demander à Karim Djoudi, ministre des Finances, et à Mohamed Laksaci, gouverneur de la Banque d'Algérie de rapatrier près de 150 milliards de dollars de réserves de change déposés à l'étranger. Ils sont disponibles pour assurer la solvabilité du pays. Les aspects techniques du programme ne sont pas les seuls à être complexes. Au plan politique, toute cette masse d'argent sera dépensée par la grâce du seul pouvoir discrétionnaire de l'Exécutif. Le Parlement est totalement exclu de ce gigantesque chantier. Comme d'ailleurs les instances de contrôle. A la fois d'opportunité et de légalité. Un plan de relance de l'investissement a déjà été lancé par le gouvernement avant d'être suivi par un autre plan de 150 milliards de dollars. Qui en a fait le bilan et l'évaluation? Le gouvernement? Y a-t-il eu des projets mal étudiés? Y a-t-il eu des surcoûts? Les procédures de passations de marchés ont-elles été respectées? Certaines de ces préoccupations ont été respectées et prises en charge par le gouvernement. C'est le cas pour les études préalables de faisabilité et de l'obligation de ne point dépasser le budget prévisionnel des projets de 15% de l'enveloppe initiale. La Caisse nationale d'équipement pour le développement a même été créée pour prendre en charge cet aspect de la problématique. Mais cela n'est pas suffisant pour évacuer le flou sur le montant du plan. Lors de la session du Conseil national économique et social de décembre dernier, même le chiffre de 283 milliards de dollars a été évoqué. On est loin des 200 milliards annoncés par le Premier ministre mais proche des 300 milliards prévus par d'autres sources. Personne ne saura rien d'exact avant que l'initiateur du projet ne se prononce sur le sujet. Mais quand le Président Bouteflika fera-t-il cette annonce? Ce ne serait qu'une question de jours.